Carmilla et ses sœurs : vampires féminins dans la littérature, au cinéma et dans la culture populaire
Carmilla’s Sisters – Female Vampires in Literature, Film and Popular Culture
Colloque international - Université Bordeaux Montaigne, 6-7 octobre 2022
CLIMAS E.A. 4196 (Université Bordeaux Montaigne) / LASLAR E.A. 4256 (Université Caen Normandie) / Cinema and Television Research Institute (De Montfort University, Leicester, UK)
Conférenciers invités/Keynote speakers :
Gaïd Girard (Université de Bretagne Occidentale)
Kim Newman (writer, independent scholar)
Appel à communications [English version below]
Près de trente ans après la parution de l’ouvrage séminal de Nina Auerbach Our Vampires, Ourselves, il a paru opportun de saisir l’occasion des 150 ans de Carmilla de J. S. Le Fanu pour faire l’état des lieux des fictions vampiriques mobilisant la figure du féminin. Malgré quelques pages consacrées à Carmilla et aux vampires queers – dans The Vampire Book de Gordon J. Melton, 1999, Le miroir obscur. Histoire du cinéma des vampires, de Stéphane du Mesnildot, 2013, ou le catalogue de l’exposition Vampires de la Cinémathèque Française en 2019 – la figure de Dracula et des vampires masculins domine la littérature historique et critique. Pourtant, contrairement à une idée reçue, les vampires féminins sont très nombreux en littérature, au cinéma, dans les séries télévisées, en bande dessinée, et dérangent la majesté du comte vampire, attestant peut-être de son « obsolescence » (selon la formule de Robin Wood). Plusieurs fois adapté au cinéma, le texte de Le Fanu continue de poser de nombreuses questions aux lectrices et aux lecteurs d’aujourd’hui, sensibles aux enjeux LGBTQI+ et aux remous de la vague #MeToo. La figure historique de la comtesse Bathory, femme de pouvoir qui inspira déjà Bram Stoker dans "Dracula’s Gues"t (chapitre initial, supprimé, de Dracula), hante elle aussi les mémoires littéraires et cinéphile et appelle encore d’autres questions. La femme-vampire traverse les milieux : du cinéma d’auteur le plus confidentiel (Les lèvres rouges, Harry Kümel, 1971 ; Leonor, Juan Luis Bunuel, 1975) aux blockbusters (la franchise Underworld) en passant par les classiques européens (la Hammer, Roger Vadim) ou hollywoodiens (Near Dark, Kathryn Bigelow, 1987). Dans un article récent sur masculin et féminin dans le film de vampires, Claude-Georges Guilbert – qui fait remarquer l’abondance d’autrices dans la littérature vampirique – pensait voir dans le vampire féminin « l’avenir » du genre. Ce colloque lui donnera-t-il raison ?
Le comité d’organisation examinera toutes les propositions portant sur les vampires féminins en littérature, au cinéma, en bandes dessinées, avec une attention particulière à celles qui s’inscriront dans les axes suivants :
¤ La figure du vampire féminin, entre exploitation et empowerment. Dès Carmilla, sans doute, les vampires féminins remplissent deux fonctions apparemment contradictoires. Ces vampires sont souvent jeunes, érotisées avec complaisance, et servent de promesse à toutes les déviances. Dans le même temps, placées au centre des récits, agissantes et décisives, elles constituent des personnages autonomes, admirés, souvent adulées par un fandom dévoué (de la Vampirella des comics Warren à la Lady Dimitrescu du jeu vidéo Resident Evil Village). Comment créateurs et publics négocient-ils cette tension ? S’agit-il d’une lecture contre les textes ou d’une promesse des objets culturels eux-mêmes ?
¤ Figure singulière ou déclinaison sérielle. Dracurella et les multiples autres filles de Dracula soulignent que nombre de vampires féminins fonctionnent comme des déclinaisons d'une figure masculine dominante, comme un exemple de cette différenciation minimale du même propre aux industries culturelles. Ce sentiment de domination des déclinaisons sérielles sur les figures singulières est-il justifié ? mesurable ? La vampire peut-elle exister indépendamment de cette logique de déclinaison ?
¤ La vampire et la stabilité du genre (gender). Plus encore sans doute que le vampire, la vampire se manifeste sous le signe de l'ambiguïté sexuelle : très sexuée, régulièrement hyperféminisée, elle est pourtant celle qui ravit, qui pénètre, souvent avec violence. La romance lesbienne de Carmilla – tout comme la fascination ambiguë suscitée par la figure historique de la comtesse Élisabeth Báthory – offre là encore un prototype de cette déstabilisation des rôles genrés. Comment cette incertitude se manifeste-t-elle, dans les textes ou dans leur réception ? La vampire est-elle donc nécessairement queer ?
¤ Figure mondialisée, figures locales. Au fil du 20e siècle, les industries culturelles anglo-saxonnes ont largement colonisé l'imaginaire visuel du fantastique et de l'horreur. Comment la vampire s'inscrit-elle dans cette tension entre une culture mondialisée et des variations locales, empreintes de tradition ? Avec quelle histoire, quelles spécificités médiatiques ? Faut-il, en somme, comprendre la vampire comme une figure du glocal ?
¤ L'hypothèse Carmilla. La novella de Sheridan Le Fanu hante chacune des questions posées dans cet appel à textes. Nous invitons donc des propositions de communication examinant la place spécifique de Carmilla dans l'émergence et la diffusion de la figure de la vampire, au fil de la diffusion du texte original, mais aussi à mesure que s'est constitué un "réseau d'adaptation", au sens de Kate Newell. Est-il possible de cartographier les apparitions de la vampire dans la culture populaire et quelle serait la place de Carmilla dans ce territoire ?
¤ Approche figurale : l’imaginaire de la femme-vampire. Femme-vampire et figures connexes (harpies, sirènes, sphinges, femmes-animales): genèse et métamorphoses de la figure dans la tradition picturale depuis le XIXe siècle (Munch, Khnopff, Mossa, Philip Burne-Jones), circulation des formes. Déclinaison et typologie possible dans la littérature de John Keats (Lamia) et Rudyard Kipling (“A Fool There Was”) à Tanith Lee (Sabella or the Blood Stone, 1980), Anne Rice (Pandora, 1998) et Octavia E. Butler (Fledgling, 2005) – sans oublier Paul Féval (La Vampire, 1856).
Les propositions de communications (200 mots environ, accompagnées d’une brève note biographique) sont à envoyer à Jean-François Baillon (
Call for Papers
Nearly thirty years after the publication of Nina Auerbach’s seminal study Our Vampires, Ourselves, we felt the 150th anniversary of J. S. Le Fanu’s Carmilla provided an opportunity to revisit vampire fictions centred on female figures – as yet a largely unchartered territory. Despite a few pages devoted to Carmilla and queer vampires – in The Vampire Book by Gordon J. Melton, 1999, Le miroir obscur. Histoire du cinéma des vampires, by Stéphane du Mesnildot, 2013, or the catalogue of the 2019 exhibition at the Cinémathèque Française –, the centrality of Dracula and male vampires still remains prevalent in critical literature.
Yet, contrary to a received notion, female vampires abound in literature, film, television series, comics, as an unsettling presence that undermines the majestic supremacy of the vampire count, thus perhaps testifying to the latter’s “obsolescence” (to borrow Robin Wood’s formula).
With its multiple film adaptations, Le Fanu’s text still challenges readers in many ways, contemporary readers being sensitive to LGBTQI+ issues and to the aftermath of the #MeToo wave. The historical Countess Báthory also haunts literary and filmic memories, and calls for still other questions, as a power figure that already inspired Bram Stoker himself in Dracula’s Guest, the first chapter of Dracula, later suppressed by the author.
The vampire-woman is omnipresent in art cinema (Les lèvres rouges, Harry Kümel, 1971; Leonor, Juan Luis Bunuel, 1975), blockbusters (the Underworld franchise), European classics (Hammer films, Roger Vadim), Hollywood classics (Near Dark, Kathryn Bigelow, 1987). In a recent study on gender in vampire films, Claude-Georges Guilbert – commenting on the prevalence of women writers in vampire literature – claimed that the female vampire embodies the « future » of the genre. Will participants in this conference prove him right?
The organizing committee will welcome all propositions about female vampires in literature, cinema, comics, with particular attention to those addressing the following issues:
¤ The female vampire figure, between exploitation and empowerment. From Carmilla onwards, female vampires have fulfilled apparently conflicting functions. They are often young, eroticised vampires, and they announce all manner of transgression. In the same movement, they are often at the centre of narratives, they initiate action and are autonomous and admired characters, worshiped by devoted fans – one can think of Vampirella in Warren comics or Lady Dimitrescu in the Resident Evil Village video game. How do authors and publics negotiate this tension? Does this amount to reading the texts against the grain or is this reading actually inscribed in the cultural objects themselves?
¤ Isolated figure or serial type. Dracurella and the several other daughters of Dracula suggest that many female can be seen in terms of variants of a dominant male type – as an instance of the minimal differentiation that defines the culture industries. Do serial types actually predominate over isolated figures? Is there a way to measure this? Can the female vampire exist independently from this logic of derivation?
¤ The female vampire and gender stability. Even more so than her male counterpart, the female vampire is characterised by sexual ambiguity. Oversexualised, often hyperfeminised, she is nevertheless also a creature who seduces, penetrates, rarely without violence. The lesbian romance of Carmilla – but also the ambiguous fascination exerted by the historical figure of Countess Élisabeth Báthory – once more offers a prototype of this subversion of gendered roles. How does this uncertainty manifest itself in the texts or in their reception? Is the female vampire necessarily queer?
¤ Global figure v. local figures. Along the 20th century, the English-speaking cultural industries have largely colonised the visual imaginations of fantasy and horror. How does the female vampire feature in this tension between a globalised culture and local variations with their specific traditions? What are the histories and media specificities? Should we view the female vampire as a figure of the glocal?
¤ The Carmilla hypothesis. Sheridan Le Fanu’s novella haunts every question addressed in this call for papers. We will then welcome propositions examining the specific place of Carmilla in the emergence of the figure of the female vampire, through the circulation of the original text but also through the elaboration of an “adaptation network” (Kate Newell). Could we map out the apparitions of the female vampire in popular culture? How would Carmilla feature in that space?
¤ The figural approach: imagining the female vampire. Female vampires and related figures (harpies, sirens, sphinges, animal-women) : genesis and transformations of such figures in the pictorial tradition since the XIXth century (Munch, Khnopff, Mossa, Philip Burne-Jones), circulation of forms. Variants and typologies in literature from John Keats (Lamia) and Rudyard Kipling (“A Fool There Was”) to Tanith Lee (Sabella or the Blood Stone, 1980), Anne Rice (Pandora, 1998) and Octavia E. Butler (Fledgling, 2005) – through Paul Féval (La Vampire, 1856).
Communication proposals (about 200 words, along with a brief biographical note) should be sent to Jean-François Baillon (
Scientific committee:
Mélanie Boissonneau (Paris 3 Sorbonne Nouvelle) – Marjolaine Boutet (Université de Picardie Jules Verne) – David Roche (Université Paul Valéry Montpellier 3) –– Yann Calvet (Université de Caen) – Matt Jones (De Montfort University, UK) –– Hélène Frazik (Université de Caen) – Jean-François Baillon (Université Bordeaux Montaigne) – Nicolas Labarre (Université Bordeaux Montaigne) - Dr Matt Melia (Kingston University London, UK)
Bibliographie / Bibliography
Auerbach Nina, Our Vampires, Ourselves, Chicago, Chicago UP, 1995
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du Mesnildot Stéphane, Le miroir obscur. Histoire du cinéma des vampires, Aix-en-Provence, Rouge Profond, 2013
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