Journée d'étude organisée à l'Université Bordeaux Montaigne par l'UR CLIMAS, mardi 28 janvier 2025.
Auto-portrait, 1974 © Bill Griffith
Bill Griffith, né William Henry Jackson Griffith en 1944, fait partie de la vague d'auteurs de la bande dessinée underground américaine dont les ambitions artistiques de jeunesse subirent de plein fouet un choc esthétique et existentiel irréversible en découvrant les comix de Robert Crumb à partir de 1967. Abandonnant son projet de devenir le nouveau Jackson Pollock, Bill Griffith renonça à la peinture abstraite en faveur de l'illustration satirique et des comix. Après avoir placé en 1969 quelques bandes dessinées dans le bimensuel new-yorkais East Village Other et le magazine pornographique Screw, il s'installa l'année suivante à San Francisco, qui était devenu depuis deux ans la Mecque des comix underground.
La trajectoire créative de Bill Griffith est exceptionnelle autant par sa richesse que par sa longévité. Dès les début des années 1970, on lui doit, outre de nombreuses histoires courtes publiées ici et là comme c'était la norme dans l'édition underground, la co-création avec Jay Kinney de Young Lust (8 numéros parus, 1970-1993). Cette série pastichant sur le mode satirico-érotico-pornographique les romance comics omniprésents dans les kiosques depuis l'après-guerre, aussi pudibonds que foncièrement machistes, fut un des creusets où évolua la première génération d'auteurs underground (dont Justin Green, Art Spiegelman, Spain Rodriguez, Diane Noomin, Kim Deitch, Paul Mavrides, entre autres) puis à partir des années 1980, la nouvelle vague de la bande dessinée alternative (Phoebe Gloeckner, Harry S. Robins, Carol Lay, Jennifer Camper, Daniel Clowes, Charles Burns, Terry LaBan, Lloyd Dangle).
En 1973-1974, Griffith fut un des co-fondateurs de Cartoonists Co-op Press — aux côtés de Kim Deitch, Jerry Lane, Jay Lynch, Willy Murphy, Diane Noomin et Art Spiegelman. Cette coopérative d'auto-édition, gérée depuis son appartement, avait été imaginée comme une alternative par rapport aux maisons d'édition existantes (Print Mint, Apex Novelties, Last Gasp, etc.). Cartoonists Co-op Press dura moins de deux ans mais publia une liste d'auteurs de premier ordre (S. Clay Wilson, R. Crumb, Aline Kominsky, Trina Robbins, Leslie Cabarga, Justin Green, Ted Richards, Gary Hallgren, Lee Marrs, Jim Osborne, Spain Rodriguez).
Pour Griffith, néanmoins, le véritable morceau de bravoure éditorial de la décennie fut le lancement en 1975 d'Arcade, The Comics Revue, sous une direction partagée avec Art Spiegelman. Ce magazine, qui ambitionnait d'être la réponse de l'underground au Playboy de Hugh Hefner, ne connut que sept numéros et disparut après un an et demi d'existence. Malgré son échec, ii constitua une entreprise artistique et éditoriale marquante destinée à ouvrir la voie, dans les années 1980, à des publications alternatives de haute volée comme le RAW de Françoise Mouly et Art Spiegelman et le Weirdo de R. Crumb.