14 février 2014 - MSHA, Salle Jean Borde
L'équipe du séminaire EVA organise sa première journée d'étude.
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10h-10h20 Accueil des participants
10h20-10h45 Ouverture de la JE
10h45-11h15 Anne Geslin-Beyart (MICA – Université de Bordeaux Montaigne)
Le cri muet
Toutes les théories du portrait se concentrent sur le regard, le désignant comme le siège de la présence de l'autre et y inscrivant une possibilité d'attestation. Le portrait a nécessairement une bouche mais celle-ci reste close et son sourire dispense une protension diffuse.
Ces conceptions laissent dans l'ombre l'effet de sens de la bouche ouverte, celle du cri, qui convertit le son en données visuelles. Une étude de ces cris muets dans l'art et la photographie permettra d'observer ces conversions du sonore en visuel et d'esquisser une rhétorique de l'expressivité extrême.
11h15-11h45 Heather-Jane Bayly (Université de Nantes)
Do we need another hero ?
L’image indicible dans les photographies de presse des attentats.
Mes premiers souvenirs d’un attentat sur le sol américain remonte au 19 avril 1995 – date de l’attentat d’Oklahoma City. La seule image que j’ai retenue de cet évènement horrifique est celui du pompier berçant dans ses bras un bébé, d’à peine un an, nu et ensanglanté en train de mourir. Cette image, qui a fait le tour du monde, marque le début de mes connaissances personnelles concernant les atrocités commises intentionnellement par l’homme sur mon pays, sur mon peuple. Ce sont mes souvenirs. Mais j’ai d’autres souvenirs des atrocités contre l’humanité, antérieurs à cet événement, qui grâce aux images comme celle-ci et d’autres devenues « iconiques » sont rentrées dans ma mémoire et font également partie de la mémoire collective.
Mais qu’ai-je appris de l’attentat par cette image ? Que m’ont apprises les images « iconiques » sur les évènements qu’elles illustrent? Selon Claude Cookman, le premier objectif du photojournalisme est d’être témoin de l’Histoire et de l’enregistrer. Dans le journalisme, la photographie s’efforce de démontrer en images ce que les mots ne suffisent pas à décrire (souvent des sujets tabous) – c’est l’image de l’indicible. L’objectif même du journalisme est d’informer, mais de quoi les photographies de presse nous informent-elles ? Toujours accompagnées par une légende, afin d’apporter des précisions manquantes aux photographies, notamment le contexte temporel ou factuel et d’ancrer le message, la photographie dans sa fonction journalistique est une association obligatoire, un système binaire du mot et de l’image. Exprimé d’une manière plus élégante par Richard B. Stolley, ancien correspondant de Life magazine et rédacteur en chef de People Weekly et de Life : « Pictures without words is mere photography. Pictures with words is photojournalism ». Suivant ce postulat, la photographie de presse est-elle une image indicible – condamnée à n’être que celle qui arrête le regard, mais n’illustrant rien ?
A travers l’exemple de trois photographies de presse prisent dans l’objectif premier d’informer les lecteurs américains des évènements graves des attentats d’Oklahoma City (« Chris Fields avec Baylee Amon » de Charles Porter), du 11 septembre (« Firemen Raising the Flag at Ground Zero de Thomas E. Franklin,) et du marathon de Boston (« Fallen Runner » de John Tlumacki) on s’emploiera à démontrer que la photographie de presse demeure par nature une image indicible. Les photographies retenues par la rédaction des organes de presse pour être des re-présentations des attentats (et qui font partie de celles qui sont les plus diffusées) n’apprennent rien aux lecteurs de ces derniers, elles sont sélectionnées essentiellement pour leur valeur pédagogique - la transmission des valeurs américaines, le ciment d’une unité nationale. Les gens ordinaires se trouvant mêlés dans les évènements extraordinaires deviennent des héros. L’essence de la tragédie se réduit à la résistance et la dignité des américains (voire à l’Humanité face aux terroristes.)
11h45-12h15Géraldine Chouard (Université Paris-Dauphine)
A rebours de l'indicible :
L'Amérique des images: Histoire et culture visuelle des Etats-Unis.
Cette présentation se propose d'aborder à rebours la question de l'indicible à travers L'Amérique des images (ouvrage publié en 2013 chez Hazan en co-édition avec l'Université Paris-Diderot). Le but de ce projet collectif, mené par une vingtaine de chercheurs, était de mettre en œuvre diverses stratégies critiques, pédagogiques et éditoriales pour faire parler des images américaines (350 environ) afin d'écrire une histoire de la culture visuelle aux Etats-Unis.
Ce récit visuel synthétique, portant de la fin de la période coloniale à nos jours, a été notamment l'occasion d'aborder la question du choix et de la nature des images sélectionnées (icônes ou images peu connues), de la relation entre image matérielle (picture) et image visuelle (image), ainsi que celle des modes de production, de diffusion et de réception de ces images, qui ont contribué à la construction esthétique, sociale et politique de l'Amérique.
"Comprendre l'Amérique pour déchiffrer les images dont elle inonde la planète; comprendre ces images en retour, pour mieux comprendre les Etats-Unis", telle était, comme le rappelle la quatrième de couverture, "l'ambition de cet ouvrage", attestant d'un désir de renouveler les modalités d'interprétation d'une iconographie américaine foisonnante et plurielle, mêlant chefs d'œuvre de la peinture, pièces d'art populaire, posters de propagande ou simples messages publicitaires, parmi bien d'autres types de représentation.
Le modèle de composition de l'ouvrage constitue en soi une forme d'exploration critique, permettant d'appréhender le sens des images, à la fois en rapport avec le texte, au sein de ses vingt-quatre chapitres, et d'une manière autonome, à travers les six cahiers d'images qui les précédent, pouvant être consultés comme des mini récits visuels de la période.
D'une manière générale, seront examinées, à la croisée du didactique et du dialectique, les diverses stratégies de "connaissance par l'image", pour rependre ici l'expression de Georges Didi-Huberman, tirée de la pensée benjaminienne (Quand les images prennent position. L'Œil de l'histoire, 2009). Au rebours de l'indicible, c'est cette "prise de position" par l'image qui sera ici interrogée.
L'Amérique des images: Histoire et culture visuelle des Etats-Unis.
Sous la direction de François Brunet.
Comité de rédaction : Didier Aubert, Géraldine Chouard, Anne Crémieux, Jean Kempf.
Auteurs : Kamila Benayada, Jaime Correa, Jennifer Connelly, Veronique Eleftériou-Perrin, Pierre Floquet, Jean Foubert, William Gleeson, Véronique Ha Van, Ariane Hudelet, Anne Hurault-Paupe, Paricia Kruth, Catherine Marcangeli, Mark Meigs, Guillaume Mouleux, François Specq, Penny Starfield, Barbara Turquier
Pause déjeuner
14h-14h30 Jean-François Baillon (CLIMAS – Université Bordeaux Montaigne)
Images en souffrance ? Quand le cinéma met à mal la parole
Du cinéma d’animation expérimental de Len Lye, Norman MacLaren (Blinkity Blank, Caprice en couleurs) et des Frères Quay (In Absentia, 2000) au cinéma underground de Kenneth Anger (Invocation of My Demon Brother) ou au cinéma expérimental tout court (Annabel Nicolson, Slides), un certain cinéma trouve matière à lancer des défis à la mise en paroles de l’expérience visuelle qu’il propose au spectateur. Pour autant un cinéma plus narratif, de Kubrick (2001 : a space odyssey, 1968) à Nicolas Roeg (le bien nommé Don’t Look Now, 1973) n’est pas exempt de ces moments de dissemblance où le spectateur est au bord de « ne pas voir », selon la formule derridienne. Comment alors accorder les mots à l’expérience visuelle, et tout d’abord, cela a-t-il encore un sens ? N’est-ce pas plutôt à une expérience de l’invisible condition du visible, théorisée par Merleau-Ponty et d’autres, que nous sommes conviés, et ne faudrait-il pas alors, en adéquation avec cette expérience, nous acheminer vers cette « parole muette » qui donne son titre à un ouvrage de Jacques Rancière ? C’est à ce type de questionnement que la présente communication proposera d’associer l’auditoire, principalement à partir du court métrage de Stephen et Timothy Quay In Absentia (2000) et de brèves incursions dans le long métrage de Nicolas Roeg Don’t Look Now (1973).
14h30-15h Loïc Chevalier (HiCSA Paris 1 - EPITECH)
Poétique de l'Indicible. Le monstre, le rêveur, le soldat: 3 exemples américains d'une grammaire cinématographique de l'ineffable.
Recherchant pour quelles œuvres le terme indicible est couramment utilisé pour décrire des films américains, nous nous sommes rapidement rendu compte qu'il affleurait d'abord dans le film d'horreur, avant de naviguer dans le cinéma de science fiction des années 1950 et notamment pour qualifier la figure du monstre et de l'extra-terrestre, pour finalement se retrouver étroitement lié à la figure d'auteurs comme David Lynch ou Terrence Malick.
En étudiant ces images que la critique qualifie d’indicibles, se révèle une pratique cinématographique fondée sur le hors champ, l'usage du son et d'une échelle de plan distanciant le spectateur de l'action, formant une grammaire cinématographique qui circule au delà du cinéma fantastique pour se retrouver dans des œuvres plus conventionnelles (nous prendrons ici appui sur le film de guerre).
Nous tenterons de montrer comment s'organise cette poétique de l'Indicible dans le cinéma américain et de quelles manières elle conduit à une autonomisation du plan et partant de l'image indicible.
15h-15h30 Conclusion – Table ronde