Colloque international « Les narrateurs fous / Mad narrators ».

narrateurs_fousAppel à communications

Université de Bordeaux 3, 18-20 octobre 2012.

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Ce colloque a pour objectif d’étudier le phénomène de la folie du narrateur dans la fiction. Si la folie des personnages a fait l’objet d’un certain nombre de colloques récents portant sur les savants fous, les femmes et la folie, la folie et l’enfermement, etc., c’est ici le cas des narrateurs fous qui nous intéresse. La folie narratoriale, qui relève du phénomène plus large de la non-fiabilité tel que l’a défini Wayne Booth, éveille le soupçon, et met en jeu une instabilité, un décalage entre la voix du narrateur et celle de « l’auteur implicite ». On pourra ainsi s’interroger sur ce qui distingue la folie des autres types de non-fiabilité – regard d’enfant, partialité du point de vue, déficience intellectuelle, dysnarration, manipulation et mensonge, analphabétisme. Il s’agira dès lors d’explorer les manifestations narratives de la démence, de déterminer ce que seraient, pour paraphraser Barthes, des « effets de folie ». Existe-t-il une stylistique de la folie, des marqueurs récurrents, des façons codifiées d’exprimer la démence ?

Pour cerner au plus près le phénomène de la folie narratoriale, il conviendra de distinguer entre une folie explicite, immédiatement visible, et une folie esquissée comme une simple hypothèse du texte. La première situation offre une grande diversité de manifestations et de symptômes, invitant à dresser un tableau critique et clinique des narrateurs fous qui déstabilisent le lien entre réalité et représentation. On pourra penser aux récits narratifs de Beckett, où la narration porte la marque presque constante de la folie, mais encore à des romans tels que The Little Stranger de Sarah Waters, American Psycho de Bret Easton Ellis, The Naked Lunch de William Burroughs ou One Flew over The Cuckoo's Nest de Ken Kesey. On pourra également, dans ce contexte, interroger le lien entre la folie du narrateur et le genre littéraire ; le fantastique et le gothique, par exemple, semblent être des asiles littéraires particulièrement bien fréquentés. On contrastera ces récits avec ceux dans lesquels la folie n’est qu’un soupçon, une possibilité du texte, s’insinuant comme un écart intime disposé, peut-être, au sein même du discours : The Island of Dr Moreau présente ainsi un narrateur témoin, Prendick, censé raconter l’histoire objective d’un savant fou, mais il n’est pas improbable que cette folie du personnage ne soit qu’une folie écran, et que le récit porte dans ses replis une autre folie – celle, subreptice et dissidente, du narrateur. De nombreux textes peuvent ainsi donner lieu à une double lecture, « confiante » ou « soupçonneuse » : dans The Turn of the Screw de Henry James, The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Robert Louis Stevenson, Dracula de Bram Stoker, « The Tell-Tale Heart » d’Edgar Allan Poe, The Yellow Wallpaper de Charlotte Perkins Gilman, l’esquisse d’une folie aux contours incertains, sans construction d’une norme à l’aune de laquelle elle puisse être mesurée ou contenue, renvoie le lecteur à la responsabilité de ses hypothèses interprétatives et/ou de ses projections sur le texte. Ces œuvres ayant par ailleurs donné lieu à des lectures critiques très divergentes selon les époques, une étude diachronique de leur réception pourrait s’avérer intéressante.

Mais la folie peut également émaner d’un narrateur intradiégétique : il s’agirait alors de montrer comment et dans quels buts la démence déstabilise les postulats narratifs du récit premier, de s’interroger sur la nature et la portée des différends qu’elle introduit lorsque le narrateur-fou est interné dans le dispositif dominant, présentant un contre-discours minoritaire, tel Mr. Dick dans David Copperfield ou Euchrid dans And the Ass Saw the Angel de Nick Cave. Enfin, la question se pose de savoir si la folie peut s’emparer de la voix narrative dans des récits à la troisième personne ; si oui, quels en sont les effets textuels ? Quelle est la portée de la déstabilisation épistémologique qui en résulte ?

Le colloque se prête également à une réflexion sur le cinéma. Le prototype du narrateur fou y est celui du Cabinet du Docteur Caligari (1919), où se pose la question de la projection de la folie du narrateur sur l’espace profilmique – voir Le Locataire (1976) de Roman Polanski. À la suite de François Jost et André Gaudreault, nous serons attentifs à la tension entre narration et monstration au cinéma, au foisonnement des narrateurs délégués et des niveaux de narration, jusqu’à ce « méga-narrateur » ou « grand imagier » dont la présence n’est souvent perceptible qu’à travers ces écarts à la norme du récit « ordinaire » où l’on lira peut-être les symptômes d’une certaine folie mettant en péril la continuité de la narration cinématographique et, au-delà, la stabilité du monde offert en représentation. La folie narratrice (ou narrative) à l’écran est-elle confinée à des moments et à l’utilisation de procédés précis et circonscrits (ocularisation, voix over, flashback) ? On pourra interroger des exemples canoniques : The Curse of Frankenstein (Terence Fisher, 1957), Marnie (Alfred Hitchcock, 1964), Sisters (Brian De Palma, 1973). Certains genres (le thriller, le film d’horreur) favorisent-ils les narrateurs fous et l’expérimentation formelle qui est susceptible de manifester les effets de leur folie sur le dispositif de narration ? Le cinéma de Guy Maddin (Brand Upon the Brain, 2006) semble se prêter particulièrement bien à de telles analyses mais on peut aussi songer aux analyses proposées par Victor Ferenz de films tels que Memento (2000) de Christopher Nolan, Fight Club (1999) de David Fincher ou American Psycho (2000) de Mary Harron.

Les propositions de communication en français ou en anglais, de 300 mots environ, pourront porter sur la littérature anglophone, la littérature comparée et le cinéma anglophone. Elles sont à adresser, en même temps qu’un CV succinct, à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. avant le 31 mars 2012.

Le comité scientifique se compose de :

Romain Girard, Nathalie Jaëck, Clara Mallier et Arnaud Schmitt.

 

Call for Papers

International Conference « Les narrateurs fous /Mad narrators ».

University of Bordeaux 3, 18- 20 octobre 2012.

The aim of this conference is to examine the phenomenon of mad narrators in fiction. While several conferences have been held recently which have focussed on mad characters: mad scientists, gender and madness, madness and confinement, etc., this conference takes as its theme the idea of the mad narrator. Narratorial madness is part of the wider concept of narrative unreliability, defined by Wayne Booth. Narratorial madness arouses suspicion, creating instability and a discrepancy between the literary voice of the narrator and that of the “underlying author”. It thus seems important to investigate what it is that sets madness apart from other types of unreliability, such as a child’s viewpoint, intellectual impairment, illiteracy, dysnarration, manipulation or falsehood. The conference will therefore set out to explore the narrative manifestations of insanity and to determine what the “effects of madness” are. It will look at the question of whether there is such a thing as a stylistics of madness, which would imply that there are recurrent markers and codified ways of expressing insanity.

In order to delineate as accurately as possible the notion of narratorial madness, it is important to distinguish between an unambiguous, immediately visible kind of madness, and another kind of madness, a madness that is only hinted at as a possibility within the text. The first kind is expressed in a variety of ways and its symptoms lend themselves to a critical and clinical depiction of those mad narrators who destabilize the link between reality and representation. Obvious examples can be found in Beckett’s narratives, which almost always bear the mark of madness, but they are also present in novels such as The Little Stranger by Sarah Waters, American Psycho by Bret Easton Ellis, The Naked Lunch by William Burroughs or One Flew over The Cuckoo's Nest by Ken Kesey. In this context, the link between the narrator’s madness and literary genre can also be explored; the Fantastic and the Gothic seem to be two particularly popular “literary asylums”. Such texts form a contrast with those where madness is only suspected, occurring as a possibility within the text, worming its way in and creating an intimate crack within a seemingly sane discourse: The Island of Dr Moreau, for example, presents the reader with a witness-narrator, Prendick, who is supposed to be telling the objective story of a mad scientist, but it seems probable that the character’s madness is there as a screen to hide another more surreptitious and dissident instance of madness – that of the narrator himself. Numerous texts can thus be read in two ways, with either a “trusting” or a “suspicious” approach: in Henry James’s The Turn of the Screw, Robert Louis Stevenson’s The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Bram Stoker’s Dracula, Edgar Allan Poe’s « The Tell-Tale Heart » or Charlotte Perkins Gilman’s The Yellow Wallpaper, the veiled hint of an unrestrained madness, that cannot be readily assessed or contained, compels the reader to account for his own interpretations and for what he projects onto the text. Over the years, the critical reactions to these works have been varied, and often conflicting, and a diachronic study of these divergent readings would be fruitful.

However madness can also stem from an intradiegetic narrator: and in this case it would be interesting to examine how and why madness can undermine the premises of the master narrative, by analysing the nature and the range of the discrepancies which are created when the mad narrator is confined within the dominant apparatus, but voices a minority counter-narrative; examples are Mr. Dick in David Coperfield or Euchrid in And the Ass Saw the Angel by Nick Cave. Finally, it is worth considering whether madness can take over the narrating voice in third-person narratives and if so, what the resulting textual effects are, and the range of the epistemological disruptions which this generates.

Papers dealing with films are also welcome. The prototype of the figure of the “mad narrator” is to be found in The Cabinet of Doctor Caligari (Wiene, 1919), where the narrator’s insanity invades and distorts the profilmic space—a later example is The Tenant (Roman Polanski, 1976). Following the conceptual framework established by François Jost and André Gaudreault, discussions might tackle the difference between showing and telling in film, as well as the different levels of narration, from embedded narrators to the “mega-narrator” or “grand imagier” whose presence is often perceptible only through formal deviations from the norm of “conventional” story-telling; such deviations can sometimes be interpreted as symptoms of insanity, undermining the continuity of the narration and, as a result, the stability of the represented world. Speakers may also like to consider whether the expression of narrative madness is exclusively linked to the use of specific stylistic devices (ocularisation, voice-overs, flashbacks), by looking at such films as The Curse of Frankenstein (Terence Fisher, 1957), Marnie (Alfred Hitchcock, 1964), or Sisters (Brian De Palma, 1973). Certain genres (the thriller, the horror movie) are, perhaps, more likely to contain mad narrators and, consequently, to develop formal experimentation as a means of representing insanity. Guy Maddin’s films (Brand Upon the Brain, 2006) seem to support such a view, but other examples can be found in Victor Ferenz’s analyses of films like Memento (Christopher Nolan, 2000), Fight Club (David Fincher, 1999) or American Psycho (Mary Harron, 2000).

Papers will deal with English-language literature, comparative literature and English-language films. 300-word abstracts, in French or in English, should be sent, together with a brief CV, to Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. by March 31st 2012.

 

The scientific committee is composed of Romain Girard, Nathalie Jaëck, Clara Mallier, and Arnaud Schmitt.

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