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Résumés
Français : Cet article aborde la question de la reconstruction à partir du champ de l’écocritique, notamment de ses dérivés, l’écopsychologie et l’écopoétique, notamment à propos de la réponse apportée par le poète Zen californien Gary Snyder à l’éruption du volcan du Mount St-Helen en 2000 dans l’état du Washington. Envisagée à la lumière du bouddhisme Zen, que Snyder a étudié pendant plusieurs années au Japon, comme du point de vue de l’écologue, l’éruption volcanique n’est pas forcément un désastre –en tout cas, pas pour la nature, et la volonté humaine de maîtrise du monde non humain apparait davantage comme un problème que comme une source de solutions. De ce point de vue, qui accepte le changement et donc l’impermanence, la reconstruction n’est pas forcément souhaitable. Ce que prône et pratique l’écopoèsie, telle que la théorise et la pratique Gary Snyder s’inspire davantage du principe de réhabitation, tel que l’a glosé le poète et essayiste Wendel Berry, proche de Snyder, principe qui se distingue de celui de reconstruction en tant qu’il ne désigne aucun projet de recréation ou même de réparation de ce qui fut détruit. De fait, pour Snyder, la réparation du lien entre l’homme et la nature passe par l’acceptation des énergies naturelles même destructrices. Cet article entend examiner la manière dont ces principes se traduisent, dans la poésie de Snyder, sous forme de pratique ou, plus exactement, d’interventions poétiques, jusque dans la matérialité éphémère des poèmes.
Anglais : The purpose of this paper is to examine, through the work of the ecological Zen poet Gary Snyder, what the relatively recent field of ecocriticism can contribute to a discussion on processes of rebuilding, in the light of Snyder’s poetic response to the great May 2000 eruption of Mount St Helen. Snyder’s perspective on natural processes is much influenced by the many years he spent studying in a Zen Buddhist monastery in Japan. The blast is, primarily, a lesson in impermanence, while the human will to master the non-human environment is the problem rather than the solution. What then would be the point of reconstruction, if one accepts that the world is ruled by change? The question arises in the perspective from which Gary Snyder practices his ecopoetry. The ecopoem is a means of restoring a bond between man and the non-human environment, as part of a “reinhabitation” project whose agenda Snyder has expounded in various essays, echoing the thinking of his fellow bioregionalist poet and thinker: Wendell Berry. Now reinhabitation does not mean reconstruction, recreating what was destroyed. In contrast with reconstruction, it involves learning to inhabit the world again, but differently, and accepting impermanence, even if this means destruction. This paper looks into the forms taken by this approach as it is translated into poetic practice, or, more precisely, poetic intervention in Snyder’s works, including in the brief material life of the poem.
DOI: http://dx.doi.org/10.21412/leaves_0121
Entrées d’index
Mots-clés : Gary Snyder, écocritique, écopoétique, écopsychologie, réhabitation
Keywords : Gary Snyder, ecocriticism, ecopoetics, ecopsychology, reinhabitation
Plan
From ecopsychology to reinhabitation
Reinhabitation in motion
Snyder’s ecopetics
Auteur
Yves-Charles Grandjeat, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm à Paris, est professeur de littérature américaine à l'université Bordeaux Montaigne. Ayant animé plusieurs programmes de recherche en littérature américaine, il a dirigé de nombreux ouvrages collectifs sur des sujets comme « figures du double », « emprunts, empreintes », « masques et mascarades », «l’autorité en question », « le sens de la communauté », « le travail de la résistance », etc. Il a aussi publié sur les littératures dites « ethniques », avec une thèse de doctorat, deux livres et de nombreux articles sur les cultures et littératures des Latinos aux Etats-Unis (dont Aztlan : terres volées, terre promise aux presses de l’ENS), puis un livre et de nombreux articles sur la littérature afro-américaine (avec notamment un livre sur John Edgar Wideman, Le feu et la neige), et plus généralement sur la littérature américaine contemporaine, (Paul Auster, Don Delillo, William Gaddis; Cormac McCarthy). Depuis quelques années il s’intéresse aux écrivains de la nature (articles sur Rick Bass, Wendell Berry, Annie Dillard, Aldo Leopold, Barry Lopez, Peter Matthiessen, Doug Peacock, Gary Snyder, Terry Tempest Williams) et ce qu'on appelle aujourd'hui, "l'écocritique", ainsi que ses dérivés, écopsychologie, écoféminisme, écopoétique....