Télécharger le PDF / Download as PDF
About the author/Note biographique (click to unfold)
AuteurFrançais
Jean-Marc Serme est Maitre de Conférences HDR en études étatsuniennes et études autochtones à l’Université de Bretagne Occidentale. Il enseigne depuis 2011 un cours d’introduction aux études amérindiennes en L2. Ces trois dernières années, ses recherches ont été consacrées aux problématiques autochtones dans l’archipel de Hawai`i. Il a publié “Hawaiian ways of Protection: acting for self-determined Indigenous futurities” dans l’European Journal of American Studies à l’été 2021. Un autre article intitulé « Zones de résurgence » : les multiples interprétations de la souveraineté autochtone À Hawai’i » est à paraître prochainement.
Anglais
Jean-Marc Serme is Senior Lecturer in American and Native American Studies at the University of Western Brittany. Since 2011, he has taught an introductory Native American studies course to undergraduate sophomores. Over the past three years, his research has focused on indigenous issues in the Hawaiian archipelago. He published “Hawaiian ways of Protection: acting for self-determined Indigenous futurities” in the European Journal of American Studies in summer 2021. Another article entitled “Zones of resurgence: the multiple interpretations of indigenous sovereignty in Hawai`i” is forthcoming.
1 Introduction au dossier
Ce projet fait suite à un colloque sur la « Journée Amérindienne » de l’Université de Bretagne Occidentale (Brest) en novembre 2018), sous-titrée « Lumières amérindiennes », où quelques universitaires français-e-s se spécialistes des Amériques se sont réuni-e-s pour discuter de l’importance intellectuelle des travaux autochtones, dans l’histoire des États-Unis. Nous avions invité la compositrice, musicienne, chanteuse et poète atikamekw (Anicnape anishnabe), Laura Niquay, à venir parler de son travail et de l'actualité du territoire de son peuple (situé au centre de ce qu’on connait aujourd’hui sous le nom de la province du Québec), et à jouer sa musique pour différents publics à l'Université et dans la ville de Brest. Ce dossier est inspiré de cet événement, mais il inclut des interventions de personnes n’ayant pas participé à la journée. La notion « autochtone » plutôt qu’« amérindienne » étend le champ d’intérêt vers le Pacifique et notamment les îles de Hawai`i et de Guahan (Guam) qui n’étaient pas présentes dans les débats et présentations de la Journée.
Dans un pictographe de 1851 apporté à Washington par une délégation de leaders Chippewa (Anishinabe), on peut voir un groupe d’animaux représentant les différents clans auxquels appartenaient les membres de la délégation et des lignes qui relient chacun des animaux les uns aux autres ainsi qu’à à la représentation picturale des Grands Lacs placée au-dessous des animaux. Cette illustration en couleur visait à exprimer à la fois les liens qui unissaient les clans et ceux qui unissaient tous les vivants aux Grands Lacs et, par extension, à l’environnement quotidien des Chippewas. Ce document symbolise la philosophie anishinabe ainsi que sa vision du monde et suggère également le mode de connaissance inhérent à ce type de structure relationnelle globale (Guidance 2021, 5). Cette symbolisation exprime une forme de connaissance ritualisée qui, selon l’expert culturel hawaiien George Kanahele, est à l’instar du mythe, archétypale dans sa culture et reproduit les actions ou les événements surnaturels qui ont eu lieu au commencement du monde (Kanahele 1986, 103). Elle a donc un lien très fort avec l’environnement dans lequel le rituel est pratiqué. Kanahele voit également dans le rituel une forme d’enseignement et d’entrainement dans la mesure où les gestes et les chants ou encore les prières lient le geste à la parole et permettent ainsi de mieux apprendre et de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Cette forme d’éducation, insiste-t-il, vise à inculquer des valeurs essentielles à la culture hawaiienne que sont l’excellence, la spiritualité, ou la discipline (Kanahele 1986, 114).
On appellera ici Lumières ces modes autochtones de connaissance et de transmission qui reposent sur une profonde connaissance de l’environnement et des liens qui unissent toutes ses parties dans une relationnalité à la fois familiale, cosmogonique et éco-systémique (Tynan 2021 ; Wildcat & Voth 2023 ; Martinez et al. 2023). Le terme fait également référence aux Lumières européennes du XVIIIe siècle. Dans le contexte d’Ancien Régime, les Lumières exprimaient ainsi la capacité à se définir soi-même, à exprimer son identité, à affirmer sa voix et le sens que l’on apporte à l’idée de connaissance (« Enlightenment » 2017), mais aussi de « dynamiques » créatives (Beaurepaire 2017, §2) alors que le contexte politique était celui de monarchies autoritaires qui limitaient la liberté d’expression et de penser. Les Lumières Autochtones sont des idées et des actes qui appellent à la connaissance, à la liberté et à l’affirmation identitaire dans un contexte colonial de peuplement qui vise encore aujourd’hui à limiter les structures sociales, économiques et politiques des peuples autochtones, au profit des conquérant-e-s euro-américain-e-s.
Ces Lumières autochtones d’hier et d’aujourd’hui inspirent les voix qui se sont constamment élevées pour contrer les injonctions obscurantistes du système colonial à rejeter les valeurs, croyances et pratiques qui régulaient les sociétés autochtones. Ces voix ont, depuis l’arrivée des envahisseurs, constamment cherché à redéfinir les termes de leurs identités en les rapportant autant que possible vers les modes de compréhension des cultures soumises à l’assaut violent des idées et conceptions européennes. Ces voix ont, enfin, souvent su tirer parti des idées et pratiques du mode de connaissance occidental pour faire ré-émerger leurs propres conceptions et visions du monde (Larré 2020). Mais, hier comme aujourd’hui, ces voix clament surtout leur liberté et leur capacité d’auto-définition, comme l’exprimait résolument le leader nimíipuu/nez percé Hin-mah-too-yah-lat-kekht (Chief Joseph) dans un texte de 1879 : « Let me be a free man, free to travel, free to stop, free to work, free to trade where I choose, free to choose my own teachers, free to follow the religion of my fathers, free to talk, think and act for myself—and I will obey every law or submit to the penalty » (« Two Statements »).
Notre définition du terme « intellectuel » est large, puisqu’elle prend en compte la gouvernance tribale, les arts de la danse et de la musique, la poésie et la recherche universitaire, mais aussi l’histoire et la question de l’auto-définition identitaire qui, comme le rappelle Lionel Larré dans le texte de ce dossier, « est une dimension importante de la souveraineté intellectuelle des Amérindiens ».
Un dossier thématique de la revue Daedalus a été consacré en 2018 aux modes de connaissance autochtone (Indigenous Ways of Knowing), initié par quelques chercheuses-eurs autochtones bouleversé-e-s par les événements de Standing Rock contre la construction du pipeline Dakota Access, qui témoignaient encore une fois du mépris et du racisme avec lesquels les populations amérindiennes et autochtones en général sont encore traitées aujourd’hui, aux États-Unis comme ailleurs dans le monde. Dans l’introduction, les autrice-teur-s citent quatre aspects principaux développés dans les articles du dossier : le caractère unique du statut historique et légal des Amérindien-ne-s aux États-Unis ; leur souveraineté ; la centralité de leur présence, notamment en lien avec les questions les plus pressantes de ce début de siècle ; enfin, le fait que les Autochtones ne sont pas des figures du passé, mais bien des êtres de « futurité », c’est-à-dire d’un avenir en train de se construire, mais dont les orientations sont encore à définir (Deloria et al 2018, 7). Lumières Autochtones s’inscrit dans ce cadre de référence, qui vise à la fois à participer à la visibilité des populations et contributions autochtones et aussi à comprendre comment, autant aujourd’hui qu’hier, ces contributions ont forgées, forgent et forgeront la société étatsunienne de demain.
À l’instar du dossier de Daedalus, notre objectif propose ici, aussi, d’étendre le spectre des études nord-américaines jusqu’aux confins occidentaux de l’influence étatsunienne dans le Pacifique. En effet, le dossier ouvrira sur une interview exclusive du poète et universitaire CHamoru (de l’île de Guåhan ou Guam), Craig Santos Perez. Nous suivons ainsi l’évolution des études américaines vers une prise en compte des thématiques océaniques à l’image de ce que, dans un autre recueil thématique, Greg Dvorjak a appelé « Oceanizing American Studies » ou le fait que la politiste hawaiienne J. Kēhaulani Kauanui décrit l’océan Pacifique comme le « site critique » des études américaines, dans le sens où l’impérialisme étatsunien y impose ses mécanismes de domination politique et culturelle et d’exploitation extractive des ressources (Dvorjak 2015 ; Kauanui 2015). Les articles de Dvorkak et Kauanui font partie d’un numéro spécial de l’American Quarterly publié en 2015 et intitulé Pacific Currents, dont l’objectif était de mettre en valeur les activités intellectuelles à l’œuvre dans le Pacifique, en particulier dans l’espace anglophone (Lyons et Tengan 2015).
Craig Santos Perez y a également publié un article dans lequel il développe le concept de « terripelago », un mot valise qui vise à exprimer les différentes formes de territorialité des États-Unis et notamment le caractère à la fois continental (the 48 contiguous states) mais également « extra-territorial » du pays, avec les États de l’Alaska et de Hawai`i, mais aussi d’autres territoires assujettis. Ainsi, ce que Perez appelle les « histoires changeantes des régimes territoriaux » étatsuniens sont des récits de colonialité qui affectent des entités territoriales dont on ne parle pour ainsi dire jamais, mais qui font partie intégrante du territoire national, sous une forme ou sous une autre : « incorporated territories (states), unincorporated territories, trust territories, commonwealth territories, freely associated states, tribal territories, and federal territories » (Perez 2015, 620). On voit comment cette approche extra-territorialisée, par rapport au centre continental, permet d’aborder des thématiques américaines étatsuniennes d’une manière beaucoup plus « fluide », pour reprendre le terme employé par les éditeurs du numéro (Lyons et Tengan 2015, 546-547), en décentrant « l’exceptionalisme continental » auquel se rapportent les images structurantes du récit national. Pour ce faire, les auteurs proposent une méthodologie de déconstruction : « deconstitute the self-constituting paradigms that structure American institutions and political languages » (Lyons et Tengan 2015, 549). On pourra préciser que dans sa liste, Perez n’oublie pas les territoires tribaux, dont l’appellation légale est « réserves », un terme qui fait perdurer le lien colonial de ces terres tribales plutôt que de les identifier comme des territoires souverains auto-gouvernés.[1]
Les dynamiques à l’œuvre dans le Pacifique, en particulier l’histoire de la dépossession territoriale des Autochtones, sont très différentes de celles des Amérindien-ne-s du continent puisqu’à Hawai`i, par exemple, cette histoire ne repose pas sur la signature d’un traité mais sur un coup d’état conduit majoritairement par des planteurs non-Autochtones et un texte d’annexion unilatéral de la part des États-Unis (Noenoe 2004). Pourtant, l’histoire des territoires du Pacifique permet ainsi un décentrement des questions de souveraineté et de citoyenneté des populations autochtones dans l’empire « terripélagique » des États-Unis. Les éditeurs sont très heureux de proposer dans la liste des publications de ce numéro un entretien avec Craig Santos Perez, une des voix montantes de la poésie et de la recherche dans la zone Pacifique de langue anglaise au XXIe siècle.
Le dossier sera centré sur quatre aspects des savoirs et savoir-faire autochtones, soit : les arts ou le rôle de la poésie dans la circulation des savoirs ; les pratiques cultu(r)elles comme celle du powwow, à mi-chemin entre l’expérience spirituelle, les échanges pan-indiens et « l’agapê culturelle et commerciale » ; la gouvernance tribale et la citoyenneté ; et enfin, l’éducation et les tensions entre systèmes de connaissance, mais aussi un des lieux de transformation vers un avenir meilleur. Les périodes et lieux abordés vont des années 1840 sur les terres cherokees de l’Oklahoma à la période contemporaine des powwows, en passant par l’avènement de la Society of American Indians (1911) et l’influence d’autrice-teur-s majeur-e-s pour négocier des identités culturelles hybrides et néanmoins revendicatives contre le courant assimilationniste du Progressisme (1890-1920) et de l’entre-deux guerres. Le dossier se clôt sur l’interview d’un expert culturel de la Tribu cheyenne-arapaho et de deux responsables d’une expérience pédagogique prometteuse dans une école primaire et un collège publics sur le territoire Cheyenne et Arapaho, à Concho en Oklahoma. Il était important de finir sur une note optimiste dans le domaine éducatif très prisé par les gouvernements tribaux et leurs administré-e-s comme une des voies vers un meilleur statut social, politique et économique et une capacité accrue à exprimer les idées et sentiments autochtones dans la société étatsunienne du futur.
2 Contextualisation de l’institutionnalisation des études autochtones
Alors que le tournant majeur pris par les études autochtones dans les années 1990 appelait à l’« indigénisation de l'académie » (Mihesuah & Wilson, 2004), les chercheuse-eur-s autochtones des pays de langue anglaise ont depuis été à l'avant-garde de cette révolution épistémologique et politique dans le monde universitaire, en grande partie à cause du pouvoir hégémonique de l’anglais aux États-Unis et au Canada, y compris chez les populations autochtones, et aussi parce que les études hispaniques et sud-américaines n’ont pas plus que leurs homologues anglophones établi des ponts solides entre ces études et les études autochtones (Beck 2020). Robert Warrior a qualifié ce manque de communication de « thick border between Indigenous people in the northern and southern parts of this hemisphere » dans ses remarques préliminaires à l’Indigenous & Native Studies Meeting de 2007[2] qui préparait la création de la Native American and Indigenous Studies Association (NAISA) en 2009. Ces résistances jusque dans les universités ont poussé les intellectuel-le-s autochtones en Amérique du Nord et dans les îles du Pacifique sous influence étatsunienne (Hawai`i surtout) à œuvrer sans cesse pour contrôler davantage des structures institutionnelles éducatives et de recherche dans lesquelles leurs voix seraient prises en compte.
Les universitaires autochtones dans le monde anglophone ont fait pression pour que les voix autochtones puissent s'exprimer et trouver une place, en publiant des recherches théoriques et pratiques de plus en plus influentes, en forgeant leur propre espace dans le circuit des conférences, en dénonçant l’hégémonie écrasante des références et valeurs occidentales des institutions étatsuniennes, canadiennes, britanniques, australiennes ou néozélandaises, tout en créant au sein de ces universités qui les ont finalement embauché-e-s des départements d’études ethniques ou autochtones.[3] La principale organisation d’études autochtones, de creation récente, est NAISA : « an interdisciplinary, international membership-based organization comprised of scholars working in the fields of Native American and Indigenous Studies broadly defined » (NAISA). Sa création témoigne de la frustration des chercheuse-eur-s autochtones face aux blocages idéologiques d’organisations comme l’American Studies Association. Pourtant, NAISA n’a pas été conçue comme un bastion autochtone puisque de nombreux non-Autochtones du monde entier adhèrent à cette organisation et interviennent dans ses débats.
Quarante ans avant NAISA, le premier département d’études ethniques avait été créé à UC Berkeley (1969) après une grève initiée par le Front de Libération du Tiers Monde (Third World Liberation Front, TWLF), un collectif composé de nombreuses associations d’étudiant-e-s noir-e-s, latinx, asiatiques-américain-e-s et amérindien-ne-s. Le département ouvrit avec quatre licences dont la première licence d’études amérindiennes (« History »). Une année auparavant, le Navajo College (plus tard le Dine College) avait ouvert sur les terres de la Nation Navajo, premier établissement d’enseignement formel de l’ère moderne contrôlé par un gouvernement tribal, dans le but de promouvoir l’accès des jeunes citoyen-ne-s de la tribu à l’enseignement supérieur (« About us »). Aujourd’hui, le collège universitaire insiste dans le texte de présentation de son site internet sur l’importance de la formation des jeunes citoyen-ne-s tribales-aux pour le peuple Diné et les perspectives d’avenir offertes à la nouvelle génération de cette nation. Les principes éducatifs de l’établissement sont axés sur Sa’ah Naagháí Bik’eh Hózhóón, le système traditionnel de vie diné et s’intègrent à son Master de sciences et techniques ou encore aux nombreux diplômes dans les humanités, la gestion des affaires, les sciences politiques ou le travail social proposés par l’institution tribale.[4]
Que ce soit dans les premier et second cycles ou bien à l’université, les éducatrice-teur-s autochtones tentent de reprendre le contrôle de l’éducation des jeunes autochtones depuis le début des années 1970, jusqu’ici soutenu-e-s par une législation fédérale plutôt favorable.[5] On assiste à un investissement très grand du monde autochtone dans l’éducation, avec plus de 200 programmes d’études autochtones au niveau universitaire dans le pays (« Native Studies »), de l’université du Maine au Ka Haka ʻUla o Keʻelikōlani College of Hawaiian Language de l’Université de Hawai`i à Hilo. En outre, 37 collèges universitaires et universités tribaux (avec au moins 51% d’étudiant-e-s autochtones et gérés par les nations) sont en activité aujourd’hui, regroupant des membres de 230 nations venant de 30 États différents (Tribal Colleges). Cet intérêt pour l’éducation a toujours existé, à rebours des statistiques toujours inquiétantes qui documentent les difficultés des enfants et jeunes adultes autochtones dans le système éducatif anglophone des pays de peuplement (settler states) (Urrieta 2016). C’est bien davantage le système scolaire public que l’éducation en tant que telle qui pose encore aujourd’hui un problème aux parents et aux enfants ou jeunes adultes autochtones (Brayboy et Lomawaima 2018). Si l’école a été perçue, souvent à juste titre, comme une entreprise d’assimilation, à l’instar des pensionnats de sinistre mémoire, elle n’en demeure pas moins un moyen d’intégrer le marché du travail et d’y faire éventuellement prospérer des traits culturels autochtones (Gere 2005 ; Feir 2016 ; Diné College, 2023).
Les Lumières autochtones éclairent des pratiques et des savoirs dont les détentrice-teur-s ont dû réévaluer le statut et les espaces d’expression lorsque les politiques coloniales ont été mises en place pour les remplacer par le système de connaissance et de croyance euro-américain. Dans le monde contemporain, il semble que le processus se fait plutôt en sens inverse, notamment dans les écoles tribales, dans un souci de réorienter certaines institutions, ou une partie du système scolaire comme à Hawai`i (Nā Hopena A‘o), en les axant sur une vision indigénéisée, dans laquelle les parents et leur communauté de vie tiennent une grande place et influent sur les décisions scolaires, où les enseignant-e-s sont plus souvent issu-e-s de ces mêmes communautés et où les programmes prennent en compte les valeurs culturelles des nations (ou de la culture)-hôtes. Au niveau universitaire, les nouvelles générations diplômées intègrent les centres d’études autochtones, mais aussi bien d’autres disciplines académiques, bien que le dernier recensement indique que seulement 15,4% des Amérindien-ne-s et Alaskan-ne-s et 23,8% des Hawaiien-ne-s possèdent un diplôme égal ou supérieur à la Licence (Bachelor’s), contre 37,9% dans la population générale (« Native American » 2022 ; « Profile » 2019 ; « Census Bureau » 2022).
Dans son livre sur les valeurs hawaiiennes, George Kanahele rappelait que les ancien-ne-s Hawaiien-ne-s connaissaient « deux à trois cents étoiles » ainsi que les positions d’apparition et de disparition sur l’horizon de plus de 150 étoiles (Kanahele 1986, 142). Il cite dans son ouvrage l’anthropologue Rubellite Kawena Johnson qui déclarait en 1981 à propos de la navigation sans instruments des Ancien-ne-s : « The accurate implementation of the sidereal calendar [i.e. computing from one vernal or automnal equinox to another by stars or constellations] for the purpose of navigation must forever rank as one of the Polynesians’ finest intellectual achievements » (Kanahele 163). Dans son travail de redécouverte de la navigation sans instrument à Hawai`i, Nainoa Thompson a dû réapprendre les positions de ces étoiles après que les Hawaiien-ne-s les avaient oubliées pendant 600 ans (Thompson 2018). Aujourd’hui, la double pirogue Hōkūleʻa, qui vient juste de quitter le port de Juneau (Alaska) pour un grand tour du Pacifique intitulé Moananuiākea Voyage, est une double pirogue traditionnelle dotée de panneaux solaires dont le parcours est suivi par géolocalisation et grâce à un blog très riche alimenté par les navigatrice-teur-s (« Moananuiākea »). Le centre d’astronomie `Imiloa, sur l’île de Hawai`i, illustre lui aussi l’alliance entre les valeurs et savoirs hawaiiens et les connaissances scientifiques liées à la recherche universitaire.[6] Plus de 200 musées tribaux continentaux éduquent toute l’année les visiteuse-eur-s autochtones et non-autochtones à propos de centaines de cultures différentes (Hill 2013).
3 Interview de Craig Santos Perez
Craig Santos Perez est enseignant-chercheur au département d’anglais de l’Université de Hawai`i tout en poursuivant une carrière d’auteur de poésie récompensé par de nombreux prix. Son dernier ouvrage est une étude de la poésie de son île natale, Guåhan (Guam), en lien avec les problématiques coloniales de la militarisation de l’île dans un contexte international tendu et de l’influence culturelle envahissante des États-Unis. L’ouvrage s’intitule Navigating CHamoru Poetry : Indigeneity, Aesthetics, and Decolonization (2022). Sur son site, on peut lire qu’à leur arrivée en 2012 à l’Université de Hawai`i, Perez et Brandy Nalani McDougall, une spécialiste de littérature et poétesse elle-même, ont créé la Native Voices Reading and Lecture Series afin d’ouvrir un espace d’expression autochtone dans une université toujours très étatsunienne :
[W]e knew we wanted to create and foster a space for native voices, since there are so few spaces for us in this world. We wanted to create a space for all peoples to respectfully listen to our voices.
Indigenous peoples are silenced and marginalized in our own homelands. Recovering from and continuing to fight a legacy of land dispossession, poverty, and cultural losses, native peoples have critical perspectives to share.
Thus, we began the Native Voices Reading and Lecture Series to create a space for native writers, orators, performers, artists, intellectuals, educators, and community activists from our campus, Hawai’i, the Pacific, and across the U.S. (Santos & McDougall 2012)
L’interview est ici également un espace d’expression autochtone. Elle donne à voir les efforts de certaines îles du Pacifique pour retrouver un degré d’auto-gouvernance et d’avenir autochtone dans un monde de plus en plus défini par l’escalade militaire de la rivalité étatsunienne avec la Chine et la Russie et bien sûr par les effets sensibles du dérèglement climatique, particulièrement marqués dans l’océan Pacifique et très inquiétants pour le poète père de deux enfants.
4 Connaissance, prise de parole et démonstrations d’agentivité
Jusqu’au début des années 1990 au moins, la définition même de la connaissance et des méthodologies qui l'accompagnent ont été très euro-centrées et toute autre forme et système de connaissance ont été considérés avec suspicion et, trop souvent, avec dédain, et rejetés comme n'étant pas assez scientifiques et de toute façon difficilement compatibles avec la notion de développement (Knopf 2015). En 1995, le politiste Arun Agrawal dénonçait cette dichotomie épistémologique en rappelant que les cultures occidentales et autochtones avaient été en contact depuis la fin du XVe siècle et s’étaient forcément trouvées en « interaction intime » (Agrawal 1995, 414). Tous les systèmes de connaissance sont aujourd’hui convoqués par les scientifiques pressé-e-s par l’urgence des bouleversements mondiaux du climat. Ainsi, la période actuelle, en écho à celle du début du XXe siècle, commence à reconnaitre que « l’Indien est capable », selon l’expression de l’institutrice pottawatomi Emma Goulette Johnson, citée par Lionel Larré dans son article. Il semble en effet que ce paradigme de l’exclusivité des deux systèmes de connaissance s’est atténué et que les orientations épistémologiques acceptent l’idée d’une intégration multidisciplinaire et multiculturelle qu’accompagne l’acceptation des façons plus autochtones de considérer l'histoire, la littérature, les sciences ou les arts.La question évolue ainsi vers non plus les valeurs absolues de chaque système pris séparément, mais bien dans ce que l’anthropologue Olga Lauter a appelé un « pluralisme épistémologique » qui vise à la transdisciplinarité, laquelle « présuppose la transcendance des disciplines qui sont liées entre elles tout en constituant un système complet sans frontières rigides » (Athayde et al. 2017 cité-e-s par Lauter).[7]Si la terre elle-même commence à être reconnue comme un tel système par les non-Autochtones, les hiérarchies coloniales transmises aux régimes démocratiques ne permettent pas encore d’accepter complètement l’agentivité autochtone dans des champs aussi fondamentaux que l’éducation ou l’auto-gouvernance.
Comme le rappelle Lionel Larré dans son texte, les Lumières dont il est question ici n’ont pas surgi récemment et il cite les travaux d’un Samson Occom (1768) qui mène peut-être au roman deux siècles plus tard exactement de N. Scott Momaday, The House Made of Dawn, en passant par la publication du Cherokee Phoenix depuis 1828, et bien sûr les débats et articles de la Société des Indiens Américains (Society of American Indians, SAI), créée en 1911, qui est le sujet de sa réflexion comparative avec le présent sur l’activisme identitaire et souverain amérindien. On pourra ajouter que cette histoire moderne repose sur des milliers d’années d’histoires narrées au fil des générations par des conteuses et des conteurs, une capacité d’auto-définition culturelle étouffée sans relâche par le projet colonial d’assimilation. Cependant, malgré tous les efforts des conquérant-es, les travaux des autrice-teur-s mentionné-e-s plus haut sont tous, insiste Larré, « des manifestations de la prise d’une parole jusque-là confisquée, des manifestations discursives de l’agentivité ». On sera bien sûr frappé par la similitude de la situation du début du XXe siècle décrite par Larré avec celle dénoncée dans les propos de Philip Deloria et al en 2018, les intellectuel-le-s autochtones contemporain-e-s s’élevant contre les mêmes mécanismes de mépris et d’invisibilisation très exactement un siècle après leurs aîné-e-s de la SAI. C’est bien là le but de Larré dans son texte. La démonstration de cette agentivité est récurrente dans les articles du dossier et en constitue le point d’articulation principal.
L’agentivité est critique dans la question de l’assimilation, qui est rejetée par l’ensemble des protagonistes et autrice-teur-s évoqué-e-s dans ce dossier. Par contre, Larré trouve chez les intellectuel-le-s de la SAI une subtile différence dans le concept d’ajustement à la société contemporaine de l’époque. Cet ajustement n’est pas l’abandon des valeurs et principes anciens, mais bien une adaptation aux conditions de la vie moderne. L’Autochtone contemporain-e est une personne de son temps qui puise dans la longue histoire de ses origines millénaires les compétences nécessaires à sa survie. Cette situation unique aux populations autochtones trouve de nombreuses illustrations dans ce dossier.
5 Urbanisation et stratégies d’ajustement
Les Lumières autochtones ont été difficilement transmises de génération en génération dans le contexte colonial, et dans un mouvement de perte linguistique sévère, perpétré notamment par le système des pensionnats et l’urbanisation massive des Amérindien-ne-s dans les années 1950 et 1960, deux expressions directes des politiques d’assimilation mises en place sans interruption à partir des années 1880. La « réinstallation » (relocation) plus ou moins forcée de dizaines de milliers d’Amérindien-ne-s vers les centres urbains après la seconde guerre mondiale, dans le cadre de l’Indian Relocation Act (Public Law 959 ou the Adult Vocational Training Program) de 1956, visait à effacer la souveraineté tribale en mettant fin à l’existence des tribus. Cette politique ethnocide fut initiée dans l’ère moderne par le General Allotment Act (ou the Dawes Severalty Act of 1887) et poursuivi par la House Concurrent Resolution 108 de 1953 appelant à la dissolution d’une centaine de tribus dans plusieurs États (Fixico 1990 ; Erdrich 2022). Si cette politique a été abandonnée dans les années 1960 devant les innombrables recours légaux, une conséquence de long terme a été l’urbanisation soudaine et massive de nombreuses familles amérindiennes dans ces années-là, puis continue jusqu’à nos jours (plus de 70% de la population autochtone est urbaine selon le dernier recensement de 2020). Une étude de 2012 illustre le traumatisme générationnel toujours à l’œuvre dans les familles touchées par ce mouvement il y a plus d’un demi-siècle (Walls et Whitbeck 2012).
En 2015, un rapport de l’Urban Indian Health Commission, une organisation engagée dans le soutien à la santé des Amérindien-ne-s vivant en milieu urbain, rappelait que les Autochtones étaient encore plus invisibles hors des réserves qu’à l’intérieur et que l’accès à la santé pour une population dont un tiers est officiellement pauvre demeurait un des plus grands défis de santé publique pour les associations et les tribus (« Invisible Tribes » 2015). Depuis leur arrivée en ville dans les années 1940, l’un des défis qui se pose aux Amérindien-ne-s est bien celui de l’ajustement. Les autrice-teur-s insistent dans un encadré en début de rapport sur les efforts communautaires consentis et souvent réussis, pour faire face à cette situation :
Indians living in cities are forming communities to help them maintain their Native customs and cultures. The pan-Indian nature of urban Indian communities speaks strongly to the vitality of American Indian tribal communities today, and the desires on the part of Indian people everywhere to assure that their cultures are preserved (Acknowledgments).
Cette capacité d’adaptation dans le respect de pratiques et de croyances ancestrales est bien démontrée dans l’article de Fabrice Le Corguillé sur le powwow. Ce terme algonquin désignant voilà quatre siècles une personnalité religieuse s’est transformé jusqu’à représenter ce que Le Corguillé appelle un « rassemblement social » qui marque la forte culture pan-indienne des centres urbains du XXIe siècle, comme le souligne la citation extraite du rapport. Événement spirituel avant tout, il est aussi commercial et compétitif, trois adjectifs qui évoquent des valeurs amérindiennes dominantes dans de nombreuses cultures des Amériques. Cette transformation sémantique du powwow est emblématique de la capacité des familles forcées à migrer dans les villes (par le gouvernement ou la situation économique) à se réinventer et à créer des formes nouvelles de reconnaissance identitaire, à se donner « la permission d’être eux-mêmes[8] » pour reprendre la belle formule agentive de la danseuse Karen Pheasant-Neganigwane, citée par Le Corguillé.
6 Gouvernance tribale, auto-détermination et souveraineté
Cette « permission » n’est pas tant à obtenir du gouvernement qu’elle doit se négocier dans le cadre colonial du bras de fer entre deux systèmes de gouvernance dont l’autochtone est jugé par les Euro-Américain-e-s comme inadéquat et dépassé. L’objectif d’effacement avait commencé dès la fin du XVIIIe siècle par une politique d’assimilation, appelée de « civilisation », initiée par George Washington afin, pensait-il, de transformer les Autochtones en Américain-e-s (Calloway 2018). Claudio Saunt (2021) a récemment démontré comment l’expulsion des nations de l’Est après le Removal Act a été justifiée par des motifs économiques, politiques, sociaux et culturels dont le point commun était de nier la pertinence des sociétés autochtones dans les États-Unis des années 1830. Dans les deux cas cependant, les objectifs fédéraux d’assimilation et d’extinction culturelle n’aboutirent que très partiellement.
Les nations amérindiennes ne furent pas les victimes passives de ces politiques contraignantes. Elles inventèrent des formes souvent mixtes qui leur permirent de rester autochtones dans un contexte de pression coloniale intense. C’est ce type de stratégie, nous explique Augustin Habran, qui avait poussé la nation cherokee à adopter des réformes profondes de son système de gouvernance autochtone qu’elle emprunta aux schémas constitutionnels étatsuniens, teintés de pratiques sociales et économiques calquées sur le monde sudiste dans lequel elle évoluait (la nation était principalement installée en Georgie, au Tennessee et en Caroline du Nord). Le but principal était d’éviter ce que le Chef Principal John Ross appellerait pourtant en 1836 la « dénationalisation » de la tribu, un démantèlement de son organisation sociale, politique et économique (Ross 1836).
La colonisation remet en question la validité des systèmes de connaissance et d’organisation autres dans le but d’imposer le sien propre. Le sociologue péruvien Anibal Quijano a nommé cette domination la « colonialité du savoir » (coloniality of knowledge) qui est l’une des formes de pouvoir convoquées par le colonialisme pour imposer ses normes culturelles, politiques, religieuses, sociales et économiques (Quijano 2000). Habran montre une stratégie du dominé pour éviter le pire. Mais, les terres sur lesquelles arrivent les rescapé-e-s cherokees en 1839 sont loin d’être vierges de tout-e-s habitant-e-s. Les Cherokees sont des envahisseurs à l’instar des pionniers euro-américains, démontre Habran. Il y développe l’idée d’un « middle ground » nécessaire entre les populations autochtones résidentes des Grandes Plaines (les Comanches, les Cheyennes, les Quapaws, les Osages) et les populations déportées que sont, entre autres, les nations du Sud-Est (Cherokees, Choctaws, Chickasaws, Seminoles et Muscogee Creeks). Les pratiques diplomatiques amérindiennes le disputent aux conceptions racialisées qui se développent chez certains leaders cherokees. Si la stratégie cherokee inclut une partie du système institutionnel étatsunien, elle adopte également ses conceptions économiques et raciales, en particulier telles qu’elles étaient traduites par les élites sudistes envers les Afro-Américain-e-s. Aussi problématique soit-elle pour les observatrice-teur-s du XXIe siècle, cette stratégie et l’essor économique des élites métisses autochtones montrent le succès initial de cette approche et l’agentivité forte des individus et des nations au sortir de la déportation. L’exploitation des esclaves noir-e-s est perçue comme participant de l’intégration cherokee au système étatsunien (mais culturellement sudiste) à des fins de préservation de la souveraineté.
7 Éducation et revendication culturelles et identitaires
Dans les premières années du XXe siècle, les Choctaws du Mississippi durent adopter des positions et des mesures similaires pour préserver leur citoyenneté et leur souveraineté tribales, notamment en se démarquant des métis choctaw-africains-américains dans un état qui n’avait pas encore officiellement voté l’amendement qui abolissait l’esclavage et une période, le début du XXe siècle, où la ségrégation et la hiérarchie raciales définissaient les statuts sociaux, l’intégration politique et les opportunités économiques (Osburn 2010).
Les capacités autochtones ont fait l’objet d’innombrables campagnes de dénigrement et d’effacement qui ont consisté à détruire les expressions de leurs savoirs techniques et culturels avant de vouloir les remplacer par les formes de l’intellect occidental. La négation des croyances et pratiques religieuses, de la connaissance des plantes et des milieux, des langues qui en transmettaient la familiarité et les richesses, de l’artisanat, des techniques de prédation et de conservation de la nourriture, cette négation a précédé les politiques de substitution, d’assimilation et d’intégration forcée à la culture dominante euro-américaine. Les pensionnats de sinistre mémoire ont été les lieux de choix d’une politique d’assimilation dirigée avant tout contre les enfants amérindien-ne-s et leurs familles pendant près d’un siècle (1880-1970). Mais, le système d’assimilation a été investi par les nations et les individus autochtones, parfois pour l’utiliser au profits des familles, pour conserver des traces culturelles auprès des musées et anthropologues quand personne d’autre n’était là pour entendre ou écouter la parole des ancien-ne-s, ou encore pour assimiler la culture de l’envahisseur afin d’y résister plus efficacement (Smith 2010).
Un dossier du Journal of the Gilded Age and Progressive Era[9] de 2010 explore ces stratégies de résistance multiples durant la période à laquelle Claire Anchordoqui consacre son étude de trois parcours d’auteur-e-s amérindien-ne-s connu-e-s ayant fait leurs études dans ces pensionnats. Elle-ils ont ensuite travaillé dans l’administration coloniale des réserves (Charles Eastman était médecin à Pine Ridge, dans le Dakota du Sud), ou l’éducation (Zitkala-Sa a enseigné un temps à la Carlisle Industrial School en Pennsylvanie avant de devenir une militante active pour les droits amérindiens). Son troisième exemple est celui de Luther Standing Bear qui fut enseignant et principal à Pine Ridge puis bifurqua vers le cinéma dans les années 1930. Ces trois biographies montrent la diversité des parcours de ces trois intellectuel-le-s passé-e-s par les pensionnats fédéraux.
Ces autrice-teur-s ont grandi au début de la période post-traités (entre les années 1870 et les années 1890) et ont été envoyés dans les pensionnats qui étaient censés les transformer en citoyen-ne-s américain-es blanc-he-s. Si elle et ils ont acquis les capacités à s’exprimer en anglais et à communiquer leurs pensées par écrit, Anchordoqui démontre que leur éducation les a aidé-e-s à résister à la culture dominante plutôt qu’à la transmettre sans esprit critique. Malgré les différences d’opinion, tou-te-s les trois ont une tendance convergente à revendiquer la nécessité de conserver les valeurs et savoirs autochtones dans la période d’assimilationisme agressif qu’était celle du Progressisme et des décennies qui s’ensuivirent (fin XIXe et début XXe siècles). Ainsi que le montre Anchordoqui, les motivations et les objectifs des trois autrice-teur-s envers les pensionnats dans lesquels elle-ils sont envoyé-e-s demeurent inspirés par leurs cultures et interprétés en termes culturels. Elle-ils sont en cela, démontre la chercheuse, « de parfaits exemples de ces anciens élèves qui transformèrent leurs expériences au sein de ces écoles indiennes en une arme de résistance et de survie face à une prétendue disparition inévitable des savoirs et sociétés autochtones. »
8 École et éducation
Comme il a été évoqué plus haut, l’éducation est chez les Autochtones des États-Unis tout aussi vitale dans leurs sociétés que dans toutes les autres sociétés humaines de la planète. Mais l’amalgame entre l’éducation et le système scolaire tel qu’il s’est développé à partir des années 1880 a rendu la question éducative confuse. Sous l’administration Johnson, une prise de conscience des problèmes éducatifs des enfants amérindiens se fait jour, avec la création du National Advisory Council on Indian Education (NACIE, 1965) au Titre IX de la loi-cadre Elementary and Secondary Education Act of 1965, puis le National Council on Indian Opportunity (NCIO) qui vise à associer les tribus aux décisions fédérales et enfin, le Rapport du Sénat 91-501, à l’intitulé choquant : Indian education: A national tragedy, a national challenge. S’ensuivront deux lois fondamentales d’autodétermination tribale concernant l’éducation : le Indian Education Act of 1972 et l’Indian Self-Determination and Educational Assistance Act of 1975. Comme le soulignait déjà très clairement le politiste Robert J. Havighurst dans un article de 1978, l’orientation de l’éducation des enfants amérindiens était éminemment politique : « There remains the question of the basic goal of the education of Indian youth–assimilation into the Anglo society or separate economic and social activity, based on tribal culture and traditions » (13).
La politique d’autodétermination inaugurée sous le gouvernement Johnson a été suivie par Nixon et les présidents suivants. Elle a permis la fin de la politique brutale des pensionnats, mais le gouvernement a continué à financer en partie l’éducation des enfants amérindiens, en collaboration cette fois avec les tribus (processus de dévolution ou décentralisation). La pluralité des propositions éducatives contemporaines concernant ces enfants et ces jeunes adultes montre l’intérêt que les tribus et les individus, soutenus par la législation fédérale, ont porté à la question depuis un demi-siècle : écoles tribales, écoles à charte axées sur la culture, Tribal Colleges and Universities (TCUs). Le Bureau of Indian Education (BIE) rapporte que 183 écoles sont aujourd’hui financées par l’argent fédéral, dont 126 sont directement sous responsabilité tribale (Tribally Controlled Schools) et 57 gérées par le BIE (Bureau Operated Schools).[10]
Cependant, selon le Ministère de la Santé et des Services Humains, le dernier recensement indique que 87% des Amérindiens vivent hors des aires tribales statistiques ou encore que seuls 13% des Amérindien-ne-s vivent dans les réserves.[11] Cela veut donc dire que la plupart des élèves autochtones vont à l’école, au collège ou au lycée publics avec une écrasante majorité de non-Autochtones, suivant une scolarité définie selon des critères de la classe moyenne blanche parmi lesquels la place de l’histoire amérindienne et la valeur des cultures autochtones est très réduite. Un rapport de 2019 conduit par le National Congress of American Indians, la plus importante organisation pan-indienne du pays, a montré que les États faisaient davantage d’efforts pour inclure l’histoire amérindienne dans leurs programmes. Mais, le rapport apportait cette precision: « Less than half of the states reported that Native American education curricula is required in their state and that it is specific to tribal nations in their state » (Becoming Visible 7). Malgré l’activisme des organisations et des tribus et l’inclination des autorités étatiques à autoriser l’inclusion de références amérindiennes dans les programmes, le problème de l’invisibilisation des cultures et des histoires autochtones dans le système public étatsunien est encore très réel.
La question éducative, entre traumatisme générationnel dû aux pensionnats indiens et espoirs de réussite grâce à des projets dans lesquels l’intérêt des enfants et de leur culture d’origine est placé au centre des préoccupations, est le cadre de deux entretiens conduits au printemps dernier en Oklahoma par Tatiana Viallaneix. Elle a abordé le thème de la violence ethnocide déchainée dans les pensionnats, mais aussi au développement éducatif des enfants cheyenne et arapaho avec Gordon Yellowman Sr., directeur du Programme culturel et linguistique de la Tribu Cheyenne-Arapaho et Chef de la Paix de la nation. Le second entretien concerne une approche axée sur la culture dans une école du système d’éducation publique d’Oklahoma, avec Gina Musae, directrice non-Autochtone de la Darlington School et Glenn Meriwether, ancient surintendant non-autochtone des écoles du comté de Canadian, Oklahoma.
L’importance de l’enseignement axé sur la culture pour des groupes sociaux longtemps discriminés socialement, politiquement et économiquement et souffrant encore de graves différences de résultats avec la population majoritaire, n’est plus à souligner (Ladson-Billing 1995 ; Kana‘iaupuni & Kawai‘ae‘a 2008 ; Demmert 2011). Les points fondamentaux de ce type de pédagogie portent sur l’identité, la motivation, les savoirs traditionnels, ou encore l’estime de soi (Demmert 2011). Les buts de tels programmes éducatifs consistent à rétablir cette estime de soi en se réappropriant des éléments culturels pour construire une identité non dénaturée par les stéréotypes raciaux ou culturels. La langue est un autre aspect fondamental qui entre en jeu dans beaucoup de projets éducatifs autochtones axés sur la culture. Les Nations Unies ont déclaré 2019 l’année internationale des langues autochtones. À l’instar de la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones de 2007, le texte de présentation en faisait un droit humain inhérent : « to communicate in one’s language is fundamental to human dignity and freedom of expression. Beyond daily communication, indigenous peoples’ languages derive and are also crucial to identity, culture, health, governance, socio-economic well-being, spiritual traditions, histories and philosophies » (Statement 2019).
Les États-Unis ont reconnu voilà plus de trente ans ce droit non seulement à parler sa langue maternelle quotidiennement, mais également celui d’apprendre à l’école dans cette langue. C’est ce droit qu’entérine le Native American Languages Act of 1990 (NALA).
Dans le premier entretien, Gordon Yellowman Sr. insiste sur la richesse qu’apporte l’apprentissage et la pratique des langues : « You're rich in culture because you're bilingual, you know? Il rappelle les souffrances endurées par les élèves cheyennes et arapahos de la Concho Indian Boarding School, des sévices et traumatismes subies par des générations d’écolier-e-s. Il replace très utilement le rôle du gouvernement fédéral dans l’éducation amérindienne dans le cadre plus général de la signature des traités entre les instances fédérales et les tribus souveraines. C’est bien cette relation de gouvernement à gouvernement qui formalise et la place des nations tribales dans le fédéralisme étatsunien et la légitimité des gouvernements tribaux à conduire les affaires de leurs nations, comme le rappelait par exemple Bill Clinton aux agences et bureaux fédéraux en 1994. Pourtant, la présidente du National Congress of American Indians dénonçait encore les sévères limites à caractère racial opposées à l’auto-détermination tribale lors d’une audition devant le Sénat fédéral en mars dernier : « Tribal Nations are the only governments in America whose authority to protect their communities from domestic and sexual violence, child abuse, stalking, and trafficking is limited by federal law based on the political status/race of the defendant » (Sharp 2023, 10). Yellowman insiste également sur les difficultés de la tribu à être admise à la table de discussion sur l’aménagement local, ce qui témoigne encore d’un manque de respect pour la souveraineté tribale et des retards dans l’accès des élèves à des équipements modernes et performants. Finalement, l’entretien souligne le caractère hybride de l’expérience scolaire, entre abus honteux qui doivent être mis à jour et dénoncés et de nombreux exemples de réussite scolaire (« We had positive things. We had many graduates »).
Un autre type de réussite scolaire, centrée sur le bien-être et l’estime de soi de l’élève cette fois, est le sujet du second entretien mené par Viallaneix. Darlington School est issue de l’histoire brutale des pensionnats indiens dont la Concho Indian Boarding School est dans ce comté de l’Oklahoma un symbole encore très vivace dans les mémoires. Aujourd’hui, elle est devenue une école dont le projet pédagogique est axé sur la culture (Demmert 2011), en l’occurrence la culture cheyenne-arapaho puisque l’école est située au cœur du pays de la tribu conjointe aux deux nations. L’établissement est financé sous le Titre 1 de la loi de 1965 sur l’éducation. Ce statut vise à soutenir des écoles dont au moins 40% des élèves vivent au seuil du niveau de pauvreté. C’est le cas pour l’écrasante majorité des élèves à Darlington dont 95% des 250 élèves sont autochtones (« Darlington »). Axer la pédagogie sur la culture consiste à construire l’estime de soi de ces enfants, par la sensibilisation et la formation des encadrant-e-s à ces questions et la connexion aux familles et à la communauté. La pauvreté est intimement liée aux problèmes rencontrés par ces enfants, dont l’absentéisme par exemple, réglementé par la loi étatique. L’école essaie de soulager les plus âgé-e-s des tâches de surveillance de leurs jeunes frères et sœurs qui leur sont souvent assignées, en proposant une crèche. L’école est ainsi un lieu refuge où il est possible de se concentrer, de travailler, de s’investir dans des projets, même si les attentes du département à l’éducation sont centrées sur les sujets classiques de l’école publique. La discipline n’est pas comme dans les autres écoles : « we deal with discipline issues from a different perspective », déclare la principale Gina Musae. En tant que conseillère diplômée, elle ne sanctionne pas sans avoir réfléchi avec l’éducatrice arapaho et kiowa de l’école, discuté avec l’élève, avec l’enseignant-e avec qui il peut y avoir des problèmes, peut-être avoir vu ses parents ou ses grands-parents. Finalement, l’ancien surintendant Meriwether explique la méthode de manière très simple et claire :
So, it's just common sense and having a sincere care about those kids. We developed a relationship with [them and their parents] and made them successful. We go get them, we talk them up: hey, you're doing good. And they have a chance, an opportunity here. That's what we give them: an opportunity and care. The physical, the social, as well as the academic, in that order.
Pratiquement tout-e-s les élèves de l’école obtiennent leur diplôme de fin d’étude. L’ombre au tableau est la montée en Oklahoma comme dans beaucoup d’États conservateurs d’un militantisme anti-théorie critique de la race (TCR). TCR est une perspective initiée dans les années 1980 par des spécialistes du droit comme Kimberlé Crenshaw (créatrice de l’expression ainsi que du concept d’intersectionnalité), qui considèrent la société américaine comme structurellement raciste, et son système juridique est accusé de conforter et maintenir la suprématie blanche (George 2021 ; Crenshaw 2011). Le chercheur lumbee Bryan McKinley Jones Brayboy a élaboré en 2005 ce qu’il appelle la Tribal Critical Race Theory, ou TribalCrit, qui applique les conclusions de la TCR au cas autochtone (Brayboy 2005 ; « What is tribal Crit ? » 2020). Pour lui, la société est raciste, mais aussi structurellement colonialiste. Les identités politiques des Amérindien-ne-s doivent être autant reconnues que leurs identités raciales définies par le gouvernement. Un autre point très important de TribalCrit est la question de l’assimilation, en particulier par le système éducatif qui pour Brayboy demeure l’objectif principal de ce système. Il a créé un programme de formation pour les enseignant-e-s autochtones afin de mêler les savoirs amérindiens aux savoirs occidentaux.
L’école de Darlington a été contacté par le lycée voisin de El Reno, où vont une majorité de leurs collégien-ne-s. Des actions similaires ont été entreprises là-bas, avec des résultats très probants, notamment avec le basketball comme support de bien-être et de construction de l’estime de soi. Grâce à un changement à sa tête, la tribu s’est également intéressée aux résultats de l’école et a voulu apprendre ces techniques relationnelles avec les élèves afin de les mettre en pratique dans les comtés ruraux où les résultats scolaires sont médiocres. Les perspectives sont très encourageantes au niveau local, même si le comté et l’État semblent de plus en plus hostiles à ce genre de particularisme culturel et d’approche sensible au plus près des intérêts des enfants et de leurs familles.
Bibliographie
« About us ». Diné College, https://www.dinecollege.edu/about_dc/about-dc/, consulté le 8 juin 2023.
Agrawal, Arun. « Dismantling the Divide Between Indigenous and Scientific Knowledge. » Development and Change, Volume 26, Issue 3 p. 413-439. https://doi.org/10.1111/j.1467-7660.1995.tb00560.x. Consulté le 13 juin 2023.
Archuleta, Margaret, Brenda J. Child, et K. Tsianina Lomawaima. Away from home: American Indian boarding school experiences, 1879-2000. Heard Museum et Museum of New Mexico Press, 2000.
Beaurepaire, Pierre-Yves. « L'Europe des Lumières », Humanisme, vol. 314, no. 1, 2017, pp. 61-66.
Beck, Lauren. « Tearing Down Disciplinary Barriers: Dialogues between Hispanic Studies and Indigenous Studies ». Humanities and Social Sciences Online, Oct. 8, 2020, https://networks.h-net.org/node/73374/announcements/6578267/tearing-down-disciplinary-barriers-dialogues-between-hispanic, consulté le 13 juin 2023.
Becoming Visible: A Landscape Analysis of State Efforts to Provide Native American Education for All. National Congress of American Indians, 2019, https://www.ncai.org/policy-research-center/research-data/prc-publications/NCAI-Becoming_Visible_Report-Digital_FINAL_10_2019.pdf, consulté le 12 juillet 2023.
Brayboy, Bryan McKinley Jones. « Toward a Tribal Critical Race Theory in Education ». The Urban Review, Vol. 37, No. 5, December 2005, DOI: 10.1007/s11256-005-0018-y.
Brayboy, Bryan McKinley Jones, et K. Tsianina Lomawaima. « Why Don’t More Indians Do Better in School? The Battle between U.S. Schooling & American Indian/Alaska Native Education. » Daedalus, 147 (2) Spring 2018, pp. 82-94.
Calloway, C. The Indian World of George Washington: The First President, the First Americans, and the Birth of the Nation. Oxford University Press, 2018.
« Census Bureau Releases New Educational Attainment Data ». Census Bureau, February 24, 2022, https://www.census.gov/newsroom/press-releases/2022/educational-attainment.html, consulté le 25 juin 2023
Clinton, William Jefferson. Memorandum for the Heads of Executive Departments and Agencies. Presidential Documents, Department of Justice, 1994, https://www.justice.gov/archive/otj/Presidential_Statements/presdoc1.htm, consulté le 12 juillet 2023.
Crenshaw, Kimberle Williams. « Twenty Years of Critical Race Theory: Looking back to Move Forward Commentary: Critical Race Theory: A Commemoration ». Connecticut Law Review, 117, 2011, https://opencommons.uconn.edu/law_review/117, consulté le 12 juillet 2023.
Darlington Public School. « Overview of Darlington Public School ». US News and World Report, 2023, https://www.usnews.com/education/k12/oklahoma/darlington-public-school-202137, consulté le 25 juin 2023.
Darlington Public School, https://elementaryschools.org/directory/ok/cities/el-reno/darlington-public-school/400942000404/, consulté le 25 juin 2023.
Deloria Philip J., K. Tsianina Lomawaima, Bryan McKinley Jones Brayboy, Mark N. Trahant, Loren Ghiglione, Douglas Medin, Ned Blackhawk. Unfolding Futures: Indigenous Ways of Knowing for the Twenty-First Century. Daedalus, Vol. 147, No. 2, Spring 2018, pp. 6-16.
Demmert, William G., Jr. « What is Culture-Based Education? Understanding Pedagogy and Curriculum ». In J. Reyhner, W.S. Gilbert & L. Lockard (Eds.). Honoring Our Heritage: Culturally Appropriate Approaches for Teaching Indigenous Students. Northern Arizona University, 2011, pp. 1-9, https://jan.ucc.nau.edu/~jar/HOH/HOH-1.pdf, consulté le 11 juillet 2023.
Dvorak, Greg. « Oceanizing American Studies. » American Quarterly, vol. 67, no. 3, 2015, pp. 609–17. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/43823223, consulté le 21 juin 2023.
« Enlightenment ». Stanford Encyclopedia of Philosophy. Révisée 2017, https://plato.stanford.edu/entries/enlightenment/.
Erdrich, Louise. The Night Watchman. Harper, 2020.
Evans, S. A. (2021). « “I Wanted Diversity, But Not So Much”: Middle-Class White Parents, School Choice, and the Persistence of Anti-Black Stereotypes ». Urban Education, 0(0). https://doi.org/10.1177/00420859211031952, consulté le 12 juillet 2023.
Feir, Donna L. « The Long-Term Effects of Forcible Assimilation Policy: The Case of Indian Boarding Schools. » The Canadian Journal of Economics / Revue Canadienne d’Economique, vol. 49, no. 2, 2016, pp. 433–80. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/24915852, consulté le 21 juin 2023.
Fixico, Donald L. Termination and Relocation: Federal Indian Policy, 1945-1960. University of New Mexico Press, 1990.
George, Janel. « A Lesson on Critical Race Theory ». American Bar Association, January 11, 2021, https://www.americanbar.org/groups/crsj/publications/human_rights_magazine_home/civil-rights-reimagining-policing/a-lesson-on-critical-race-theory/, consulté le 12 juillet 2023.
Gere, Anne Ruggles. « Indian Heart/White Man's Head: Native-American Teachers in Indian Schools, 1880-1930 ». History of Education Quarterly, Vol. 45, No. 1, Spring, 2005, pp. 38-65;
Guidance Document on Tradition Ecological Knowledge pursuant to the Great Lakes Water Quality Agreement. United States Caucus of the Traditional Ecological Knowledge Task Team, Feb. 2021, https://drive.google.com/file/d/1Lpctqf6qPAq0OamGqoZ7N1OnQEn6XI5q/view, consulté le 25 juin 2023.
Havighurst, Robert J. « Indian Education Since 1960 ». The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 436, 1978, pp. 13–26. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/1042165, consulté le 12 juillet 2023.
Hill, Liz. « Tribal Museums Endure. » American Indian, Spring 2013 / Vol. 14 No. 1, https://www.americanindianmagazine.org/story/tribal-museums-endure, consulté le 26 juin 2023.
« History. » The Department of Ethnic Studies UC Berkeley, https://ethnicstudies.berkeley.edu/about/history/, consulté le 8 juin, 2023.
« Invisible Tribes: Urban Indians and Their Health in a Changing World. » Urban Indian
Health Commission, 13 octobre 2015, https://www2.census.gov/cac/nac/meetings/2015-10-13/invisible-tribes.pdf, consulté le 25 juin 2023.
Kanahele, George. Kū Kanaka (Stand Tall). University of Hawai`i Press, 1986.
Kana‘iaupuni, Shawn Malia. & Keiki Kawai‘ae‘a. « E Lauhoe Mai Nā Wa‘a: Toward a Hawaiian Indigenous Education Teaching Framework. » Hūlili: Multidisciplinary Research on Hawaiian Well- Being. Honolulu: Kamehameha Schools, 2008.
Kauanui, J. Kēhaulani. « Imperial Ocean: The Pacific as a Critical Site for American Studies. » American Quarterly, vol. 67, no. 3, 2015, pp. 625–36. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/43823225, consulté le 21 juin 2023.
Knopf, Kerstin. « The Turn Toward the Indigenous. » Amerikastudien/American Studies, Volume 60, Issue 2-3, 2015, pp. 179 – 200.
Ladson-Billings, Gloria. « But that's just good teaching! The case for culturally relevant pedagogy. » Theory into Practice, 34(3), 159-165. https://doi.org/10.1080/00405849509543675
Larré, Lionel. « Les Amérindiens de l’ère progressiste à la reconquête de leur souveraineté intellectuelle ». IdeAs [En ligne], 16 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, DOI : https://doi.org/10.4000/ideas.9026, consulté le 10 juillet 2023.
Lauter, Olga. « Challenges in Combining Indigenous and Scientific Knowledge in the Arctic. » June 2020. Arctic FROST Education and Sustainable Development workshop (under review). DOI:10.31235/osf.io/kvn2c
Lyons, Paul, and Ty P. Kāwika Tengan. « Introduction: Pacific Currents. » American Quarterly, vol. 67, no. 3, 2015, pp. 545–74. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/43823216, consulté le 26 juin 2023.
Martinez, Deniss J., Clare E.B. Cannon, Alex McInturff, Peter S. Alagona, David N. Pellow. « Back to the future: Indigenous relationality, kincentricity and the North American Model of wildlife management. » Environmental Science & Policy, Volume 140, 2023, pp. 202-207, https://doi.org/10.1016/j.envsci.2022.12.010, consultés le 25 juin 2023.
Mihesuah, Devon Abbott, et Angela Cavender Wilson. Indigenizing the Academy: Transforming Scholarship and Empowering Communities. Bison Books, 2004.
« Moananuiākea: a Voyage for Earth. » Polynesian Voyaging Society, 2023 https://hokulea.com/moananuiakea/, consulté le 26 juin 2023.
Nā Honua Mauli Ola: Hawai‘i Guidelines for Culturally Healthy and Responsive Learning Environments. Native Hawaiian Education Council in partnership with Ka Haka ‘Ula O Ke‘elikōlani, College of Hawaiian Language, 2002, University of Hawai‘i-Hilo.
Nā Hopena A‘o (HĀ), Hawaiʻi State Department of Education, s.d., https://www.hawaiipublicschools.org/TeachingAndLearning/StudentLearning/HawaiianEducation/Pages/HA.aspx, consulté le 25 juin 2023.
NAISA, https://naisa.org/.
« Native American Students in Higher Education. » Postsecondary National Policy Institute, novembre 2022, https://pnpi.org/wp-content/uploads/2022/11/NativeAmericanFactSheet-Nov-2022.pdf.
« Native Studies ». Association on American Indian Affairs, <href="#midwest-plains">https://www.indian-affairs.org/native-studies-list.html#midwest-plains, consulté le 24 juin 2023.
Osburn, Katherine M. B. « ‘Any Sane Person’: Race, Rights, and Tribal Sovereignty in the Construction of the Dawes Rolls for the Choctaw Nation ». The Journal of the Gilded Age and Progressive Era, vol. 9, no. 4, 2010, pp. 451–71. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/20799406, consulté le 12 juillet 2023.
Perez, Craig Santos. « Transterritorial Currents and the Imperial Terripelago. » American Quarterly, vol. 67, no. 3, 2015, pp. 619–24. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/43823224, consulté le 26 juin 2023.
--- Navigating CHamoru Poetry : Indigeneity, Aesthetics, and Decolonization. The University of Arizona Press, 2022.
Perez, Craig Santos, et Brandy Nalani McDougall. « Report Back: On Native Voices Reading & Lecture Series ». 02/08/2012, https://craigsantosperez.wordpress.com/2012/02/08/report-back-on-native-voices-reading-lecture-series/, consulté le 26 juin 2023.
« Profile: Native Hawaiians/Pacific Islanders » Office of Minority Health, Department of Health and Humans Services, 2019, https://minorityhealth.hhs.gov/omh/browse.aspx?lvl=3&lvlid=65.
Quijano, Aníbal. « Coloniality of Power and Eurocentrism in Latin America. » International Sociology, 15 (2), 2000, pp. 215–232. doi:10.1177/0268580900015002005.
Ross, John. « Memorial and Protest of the Cherokee Nation. » U.S. Congress, June 21, 1836, https://dp.la/primary-source-sets/cherokee-removal-and-the-trail-of-tears/sources/1510, consulté le 25 juin 2023.
Saunt, Claudio. Unworthy Republic: The Dispossession of Native Americans and the Road to Indian Territory. W. W. Norton & Co, 2021.
Sharp, Fawn. « Native communities’ priorities for the 118th Congress ». Written Testimony of President Fawn Sharp, National Congress of American Indians. U.S. Senate Committee on Indian Affairs, March 8, 2023, https://www.indian.senate.gov/sites/default/files/Testimony%20NCAI%20-%20SCIA%20-%20Tribal%20Priorities%20-%202023-03-08.pdf, consulté le 12 juillet 2023.
Silva, Noenoe K. Aloha Betrayed: Native Hawaiian Resistance to American Colonialism. Duke University Press, 2004.
Smith, Sherry. « Comments: Native Americans and Indian Policy in the Progressive Era. » The Journal of the Gilded Age and Progressive Era, vol. 9, no. 4, 2010, pp. 503–07. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/20799408. Accessed 12 July 2023, consulté le 12 juillet 2023.
« Statement on the International Year of Indigenous Languages, 2019. » United Nations Office of the High Commissioner for Humans Rights, 28 January 2019, https://www.ohchr.org/en/statements/2019/01/statement-international-year-indigenous-languages-2019, consulté le 26 juin 2023.
Thompson, Nainoa. « Talk Story with Wayfinder and Master Navigator Nainoa Thompson. » Global Institute of Sustainability and Innovation. Vidéo, 1:46:18. ASU, October 24, 2018, https://sustainability-innovation.asu.edu/media/wrigley-lecture-series/talk-story-with-wayfinder-and-master-navigator-nainoa-thompson/, consulté le 26 juin 2023.
Trask, Haunani-Kay. From a Native Daughter: Colonialism and Sovereignty in Hawai`i (1993). University of Hawai`i Press, 1999,
Tribal Colleges and Universities: Advancing Native Students – Advancing Native Nations, Advancing our Nation. American Indian Higher Education Consortium (AIHEC), 2020, https://www.ncai.org/initiatives/tibc/Education_Subcommittee__AIHEC_TIBC_Presentation_3.9.2020.pdf, consulté le 23 juin 2023.
« Two Statements by Chief Joseph of the Nez Perce ». History as a Weapon, https://www.historyisaweapon.com/defcon1/chiefjosephtwostatements.html, consulté le 25 juin 2023.
Tynan, Lauren. « What is relationality? Indigenous knowledges, practices and responsibilities with kin. » Cultural Geographies, 28(4), 2021, pp. 597–610, https://doi.org/10.1177/14744740211029287.
Urrieta, Luis, Jr. « Native and Indigenous Education in the Americas: Indigenous Knowledge Systems, Equity, and Economies. » In G.W. Noblit, W.T. Pink (eds.), Education, Equity, Economy: Crafting a New Intersection, Education, Equity, Economy 1, Springer International Publishing, Switzerland 2016, pp. 161-174. DOI 10.1007/978-3-319-21644-7_8.
Treat, James. Backbone of the World (poem), in « Muscogee Nation Indian Territory: From Oral History to Found Poetry. » Tribal College, Volume 28, No. 3 - Spring 2017, https://tribalcollegejournal.org/muscogee-nation-indian-territory-oral-history-found-poetry/, consulté le 19 juin 2023.
U.S. Department of Education. « Improving Basic Programs Operated by Local Educational Agencies (Title I, Part A) ». https://www2.ed.gov/programs/titleiparta/index.html, consulté le 26 juin 2023.
Walls, Melissa L., et Les B. Whitbeck. « The Intergenerational Effects of Relocation Policies on Indigenous Families. » J Fam Issues. 2012 Jul 27;33(9):1272-1293. doi: 10.1177/0192513X12447178, consulté le 25 juin 2023.
Warrior, Robert. « Plenary Remarks ». Indigenous & Native Studies Meeting, University of Oklahoma, Norman, Oklahoma, May 3-5, 2007, https://8hb5ec.a2cdn1.secureserver.net/wp-content/uploads/2018/01/Warrior_Plenary_Remarks_OU_Opening_0.pdf, consulté le 13 juin 2023.
« What is tribal Crit ? » National Education Policy Center, 26 novembre 2020, https://nepc.colorado.edu/sites/default/files/publications/Newsletter%20tribalcrit.pdf, consulté le 12 juillet 2023.
Wildcat, Matt, & Daniel Voth. « Indigenous relationality: definitions and methods. » AlterNative: An International Journal of Indigenous Peoples, 19(2), 2023, pp. 475–483, https://doi.org/10.1177/11771801231168380.
[1] Le dernier exemple en date des décisions dangereuses prise par la Cour Suprême contre la souveraineté tribale est l’arrêt Castro-Huerta v. Oklahoma qui empêche les systèmes judiciaires tribaux de poursuivre des criminel-le-s non-autochtones devant les cours tribales. Suivant une longue tradition autochtone pour exprimer leur résistance contre de telles décision, le National Congress of American Indians (NCAI) a organisé en octobre 2022 une Sovereignty Run, une course de 2876 km entre l’Oklahoma (état de naissance du multiple médaillé olympique Jim Thorpe) et Sacramento (Californie). Sovereignty Run 2022, https://www.sovereigntyrun.org/.
[2] Cette rencontre inaugurait deux années de préparation avant la création de NAISA en 2009 (voir Warrior 2007).
[3] On trouvera dans l’ouvrage majeur de la militante hawaiienne Haunani-Kay Trask un chapitre entier, « Native Hawaiians in a White University », sur ses difficultés d’intégration au sein de l’Université d’Hawai`i à la fin des années 1980 (Trask 1999, 151-196).
[4] La description des cours à Diné College, https://www.dinecollege.edu/academics/academics/.
[5] On peut le voir avec l’exemple de ces trois lois majeures : The Indian Education Act (1972) reconnait la position spécifique des Amérindien-ne-s dans l’histoire et ses besoins spécifiques, https://www2.ed.gov/about/offices/list/oese/oie/history.html; The Indian Self-Determination and Education Assistance Act, Public Law 93-638 faisait le lien entre l’auto-détermination des tribus et leurs capacités légales à gérer des services au plus près des communautés qui devaient en bénéficier, Bureau of Indian Affairs, https://www.bia.gov/regional-offices/great-plains/self-determination; The Native American Education Opportunity Act (2021) renforce le financement fédéral de l’inscription dans des écoles privées ainsi que le soutien des gouvernements tribaux aux écoles à charte, US Congress, https://www.congress.gov/bill/118th-congress/house-bill/66?s=1&r=70, consultés le 25 juin 2023.
[6] Ce centre est lié à l’Université de Hawai`i à Hilo. ʻImiloa, https://imiloahawaii.org/aboutimiloa, consulté le 24 juin 2023.
[7] Lauter (2020) s’inspire en particulier de Athayde S., Silva-Lugo J., Schmink M., Kaiabi A., Heckenberger M. (2017). « Reconnecting art and science for sustainability: learning from indigenous knowledge through participatory action-research in the Amazon ». Ecology and Society. 22(2):36.
[8] Pheasant-Neganigwane, Karen, Powwow: A Celebration through Song and Dance, Victoria, Orca Book Publishers, 2020.
[9] « Native Americans and Indian Policy in the Progressive Era. » The Journal of the Gilded Age and Progressive Era, Vol. 9, No. 4, October 2010, https://www.jstor.org/stable/i20799402, consulté le 12 juillet 2023.
[10] Bureau of Indian Education, https://www.bie.edu/topic-page/tribally-controlled-schools, consulté le 12 juillet 2023.
[11] Office of Minority Health. US Department of Health and Human Services, https://minorityhealth.hhs.gov/omh/browse.aspx?lvl=3&lvlid=62, consulté le 12 juillet 2023.